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Vu d’ici : la Guadeloupe ? C’est si loin…

Et si on ne s’intéressait aux Antilles qu’au moment des vacances ou lorsqu’il y a un cyclone? Sous nos latitudes septentrionales, on n’a pas trop parlé de la grève les premières semaines. L’inoffensif mouvement a viré à l’émeute, les médias nous rebattent désormais les oreilles. Deux Guadeloupéens nordistes confient leur sentiment sur ce désintérêt de la métropole.

Davy Moïso et Frédérique Langro sont guadeloupéens (*). Ils ont passé leur enfance et leur adolescence dans les îles avant de débarquer dans la région. Avec notre regard de Nordiste, on les envierait presque. La Guadeloupe, c’est la carte postale. Palmiers, sable fin, eaux bleues, soleil. Et aussi, hôtels clubs, transats, vacances. Rien d’autre qu’un gigantesque complexe touristique avec une poignée d’autochtones autour. Une caricature. « Des gens imaginent encore des cabanes en tôles, des gamins en guenilles, des sentiers de terre », sourit Davy. Le Nord – Pas-de-Calais devrait pourtant savoir combien les clichés sont trompeurs.

« Vous savez ce qu’on mange à Noël ? »

Depuis le début du conflit social, Frédérique (24 ans) et Davy (25 ans) suivent les événements au quotidien. Normal, leur famille est restée là-bas. Au début, ils en parlaient entre eux. Car en métropole, il a fallu attendre que le conflit se durcisse pour s’apercevoir qu’il se passait quelque chose là-bas. A se demander si les métropolitains ne se désintéressent pas du sort de leurs compatriotes des DOM-TOM. Les deux Nordistes interrogés évoquent ainsi une large méconnaissance. La preuve : « Vous savez ce qu’on mange le jour de Noël ? » interroge Davy. Là, le journaliste est un peu scotché. Languedoc, Pays basque ou Bretagne, on connaît les traditions culinaires. Mais question Guadeloupe, c’est la colle. « Du cochon épicé. On appelle ça le jambon de Noël. C’est du jambon caramélisé, accompagné de riz et d’accras. »

Vidéo Euronews du 18 février




Tout le monde (ou presque) s’en fout

Autre témoin de ce désintérêt, la manifestation parisienne (il y a quelques jours), la première après quatre semaines de conflit. Seulement 4 000 manifestants, un millier selon la police ! (**) Les politiques ? Davy sourit. La visite d’Yves Jégo, ministre de l’Outre-mer, n’est pas bien perçue : « Il a réagi un peu tard. Et il n’a rien réglé ». Les médias ? « On entend parler de la Guadeloupe lorsqu’il y a des cyclones ou un fait divers avec des touristes. » Les syndicats ? « Il y a quelques années, l’usine Danone de la Guadeloupe a été en grève durant un an. Personne n’en a parlé ici », commente Frédérique. A titre de comparaison, elle évoque Metaleurop : trois mois de conflit et de nombreux reportages sur les chaînes nationales. « Pour ça, tout le monde s’est déplacé. » Leaders syndicaux ou élus nationaux. Certes, il est plus facile de se rendre à Noyelles-Godault qu’au Gosier. Six heures de décalage horaire et 8 000 kilomètres de distance participent sans doute à ce désintérêt.

Pour le coup, ces derniers jours, on en a parlé de la Guadeloupe. Emeutes, blessés et même un mort. La situation n’étonne guère nos deux Lillois. La vie chère, les différences de prix avec l’Hexagone, ils disent avoir toujours connu. « Ici, l’essence a baissé, mais là bas, elle est demeurée au même prix », selon Davy.  A écouter les deux Guadeloupéens, la crise n’est que le détonateur d’un malaise latent qui ne date pas d’hier. Une question de pouvoir d’achat, une question aussi de considération : « Nous voulons appartenir à la France au même titre que les autres régions et départements », lance Davy. Encore cette impression d’être délaissé. Comme notre région, mais sans doute à un degré supérieur.

Ch. D.

(*) Davy Moïso (25 ans) et Frédérique Landro (24 ans) sont respectivement vice-président et présidente de Lil’Kreyol. Ils s’expriment en leur nom et non en celui de leur association. Créée en 2007, Lil’Kreyol a pour vocation de tisser les liens entre métropolitains et Antillais: « Etablir un pont entre Lille et les îles. » Dans la seule région lilloise, la communauté antillaise est estimée à 500 personnes au bas mot.

(**) Une prochaine manifestation est annoncée à Paris le 28 février dans le cas où aucune issue au conflit ne serait trouvée.

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