Petite histoire Par Eulalie | 06 février 2021
Ankama Éditions fête ses quinze ans cette année. L’occasion de revenir sur une initiative éditoriale née un peu par hasard. Ankama, c’est avant tout des jeux vidéo en ligne, mais aussi des livres. Si la société roubaisienne est toujours associée à Dofus, elle s’est aussi fait une place dans le monde de l’édition, et plus particulièrement de la bande dessinée, en une quinzaine d’années.
Un article issu de notre partenariat avec l’Agence du livre et de la lecture Hauts-de-France. Retrouvez tous les articles sur la page « Les livres avec Eulalie ».
L’édition… par la force des choses
Cette dimension éditoriale est apparue d’ailleurs dès le début de l’entreprise. L’histoire, presque la légende, est connue. « Tot », Anthony Roux, l’un des trois cofondateurs d’Ankama avec Camille Chafer et Emmanuel Darras, souhaitait développer l’univers de Dofus en bande dessinée. N’essuyant que des refus, il décide de s’éditer lui-même. C’est le début d’une aventure qui dure encore. Dans la foulée, Ankama va élargir son champ. Si une partie des ouvrages sont liés aux jeux et au « krosmoz » − l’univers transmédia en expansion continue imaginé par le trio fondateur − Ankama Éditions va se diversifier : des albums jeunesse à la série noire (collection Hostile Holster), des romans graphiques (label Étincelle) au fantastique (Araignée). Et bien sûr le Label 619, piloté par Run, mettant à l’honneur une pop culture inspirée des films de série Z de SF américains, mais aussi de la culture hip-hop ou latino. Des influences que Run concrétisera dans une série emblématique de la maison, Mutafukaz, puis dans le lancement de la collection DoggyBags, hommage affiché aux pulps d’horreur américains des années 50-60. Depuis l’an passé, le Label 619 a pris son autonomie à l’égard d’Ankama Éditions mais demeure l’un des marqueurs de la maison nordiste.
Au fil des ans, d’autres pépites vont marquer le monde de la BD et caractériser la maison, comme Freaks’Squeele de Florent Maudoux ou l’atypique manga littéraire steampunk City Hall de Rémi Guérin et Guillaume Lapeyre, mais aussi l’hilarante trilogie Monkey Bizness de l’Amiénois Pozla. C’est aussi Ankama Éditions qui lancera Marion Montaigne et sa série de vulgarisation scientifico-humoristique Tu mourras moins bête ou la belle collection de science-fiction « Les univers de Stefan Wul », supervisée par Olivier Vatine, reprenant et modernisant l’œuvre de cet auteur français de l’âge d’or de la SF.
Élise Storme, l’une des deux éditrices d’Ankama éditions, avec Mathieu Levisse, directeur du marketing.
© Daniel Muraz
Une politique de suivi des auteurs
Participant à la frénésie de croissance du secteur − et sa surproduction − Ankama va en arriver au début des années 2010 à publier près de 150 titres par an. À l’époque, la partie éditions compte 25 salariés. Ils sont 6 aujourd’hui. Parmi eux deux éditrices, Charlotte Raimond et Élise Storme. Cette dernière est arrivée à Ankama justement au pic de grandeur la société. « Nous éditions trop de choses, nous nous éparpillions, nous n’avions plus le temps d’accompagner les auteurs », analyse-t-elle. Depuis, Ankama Éditions est redescendu à un rythme d’une cinquantaine de parutions par an. « Et il n’y a pas la volonté d’en faire plus », assure Élise Storme.
Une volonté partagée par le directeur marketing, Mathieu Levisse : « Cela reflète bien l’esprit d’Ankama Éditions. On prend d’abord les titres dont les éditrices sont amoureuses ». Et « notre vraie fierté, c’est de faire émerger de vrais projets d’auteurs ».
Un suivi à l’exemple de Mathieu Bablet. L’auteur grenoblois est édité depuis son premier titre, La Belle Mort, en 2011. Porteur déjà d’une vraie vision personnelle, l’album n’a pas vraiment trouvé son public. Ni le diptyque suivant, Adrastée, nouveau périple mélancolique, dans un univers mythologique et antique. Mais la persévérance − et l’oeil – de l’éditeur vont être récompensés avec l’album suivant, Shangri-La, space opera de près 200 pages qui reçoit en 2016 à la fois le succès critique et public. Un succès renouvelé, le mois dernier, avec la parution de Carbone & Silicium.
« On prend d’abord les titres dont les éditrices sont amoureuses, et notre
vraie fierté, c’est de faire émerger de vrais projets d’auteurs »
Cette « politique des auteurs » a fonctionné aussi dans un autre registre avec Tony Valente et Radiant, lancé en 2013. Là encore, les débuts sont tout sauf évidents. Le concept d’un « manfra » (un manga français) laisse perplexe plus d’un éditeur, d’autant qu’au début des années 2010 il est nettement plus rentable d’acheter les droits et traduire des mangas japonais. Cette histoire d’un jeune sorcier combattant des monstres tombés du ciel dans un monde vaguement moyenâgeux est pourtant une belle réussite. Et un motif de fierté puisque la série a été achetée… par les Japonais et éditée là-bas depuis 2015 !
Les 15 ans d’Ankama
Cette année 2020 devait être celle d’une opération marketing autour des « 15 ans » de la marque. Malgré le contexte général très particulier, l’opération débutée en milieu d’année a permis de donner à voir les « classiques Ankama » : comics, aventure, thriller, humour, science-fiction, via une série de rééditions en édition spéciale et limitée.
La nostalgie n’est cependant pas de mise du côté du boulevard d’Armentières à Roubaix, où la maison d’édition est installée avec les autres services d’Ankama dans les anciens locaux transformés d’une filature textile. Le catalogue 2021 est déjà bien fourni, avec notamment un « spin of western » de Mutafukaz, le tome 2 très attendu de l’étonnant Dans la tête de Sherlock Holmes, le tome 3 de Jim Hawkins, mais aussi des traductions de l’espagnol Patria, de Toni Fejzula, sur l’ETA ou Eat, and love yourself de la canadienne Sweeney Boo.
Ankama et le Label 619 devraient aussi annoncer des gros coups éditoriaux pour l’automne 2021. L’histoire continue.
Daniel MURAZ
Dofus, BD, à l’origine de l’univers
Ancestral Z dans son bureau aux airs de musée de Dofus, dans les locaux d’Ankama.
© Daniel Muraz
Les BD Dofus s’inscrivent dans le « krosmoz ». Chronologiquement, cette série d’heroïc-fantasy cartoonesque pleine d’humour et de calembours se situe après « l’âge primitif », mais elle est à l’origine de la première expansion de la saga. C’est en 2005, un an après la mise en ligne du jeu vidéo que sort l’artbook de Dofus, premier ouvrage publié par Ankama. Dans la foulée paraît le tome 1 de la BD Dofus, en octobre 2005, puis les volumes vont s’enchaîner à un rythme rapide.
Au départ, Anthony Roux, aux manettes du scénario, y voit surtout une façon de faire de la com’ originale de son jeu. Opération réussie, puisque la série compte plus d’un million d’albums vendus en cinq ans. Elle s’est déclinée ensuite sous diverses variantes. Au fil des albums souples, en petit format style mangas, la qualité narrative des histoires – qui ne reprennent pas platement les trames du jeu mais recréent d’autres récits inédits – s’est aussi imposée.
Présent depuis le premier tome, Ancestral Z (de son vrai nom belge Vincent Deruyck), bénéficiant du statut atypique d’auteur-salarié, en est aujourd’hui à son 27e volume de Dofus (sortie prévue en avril 2021). La saga doit compter 30 volumes. « C’est mieux de se donner une fin », constate le dessinateur. Il sera ensuite temps sans doute de se consacrer à de nouveaux horizons du Krosmoz.
Article paru dans le n°32 de la revue Eulalie, publié par l’Agence régionale du Livre et de la Lecture Hauts-de-France.
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