Petit théâtre de Martine Aubry | Région Par Marc Prévost | 13 novembre 2015
Pierre de Saintignon pourrait-il emmener une liste rose/bleu anti-FN au second tour ? Oui. A condition que les voix de gauche soient supérieures à celles de Xavier Bertrand, une ambiguïté savamment employée pendant la campagne pour masquer la division de la gauche donc sa faiblesse et celle du PS lui-même. Et d’être dans la meilleure des situations pour trouver une dynamique de second tour. Pas simple car ainsi éclatée, ou mal unie, la gauche risque de perdre des paquets de voix entre les deux tours et une grosse partie des voix Bertrand du premier tour filerait chez MLP. Dans tous les cas, et sur son nom propre, PdS devrait impérativement dépasser la barre des 20 % au premier tour en deçà de laquelle le second tour tient du rêve. Atout pour le bras droit de Martine Aubry : une équation personnelle qui peut rencontrer un écho positif chez les électeurs centristes et UDI.
Xavier Bertrand peut-il se retirer lui-même s’il arrive troisième au soir du premier tour ? En théorie, oui. Pour le député-maire de Saint-Quentin, c’est quitte ou double. S’il gagne contre Marine Le Pen, il n’est pas que président, il est le roi du pétrole dans son camp et discute avec Nicolas Sarkozy et les autres grands chefs LR l’année prochaine. S’il perd…il s’est engagé à siéger dans l’opposition. Pour éviter un tel calvaire, il pourrait essayer de sortir par le haut en alléguant la cohérence de ses positions, variante du « ni-ni » sarkozien. Mais ce côté capitaine qui quitte le navire n’est pas l’idéal pour préserver l’avenir.
Valérie Letard peut-elle se substituer à lui et emmener une liste d’union bleu/rose anti-FN ? Oui. Mais la tête de liste du Nord porte sur elle le souvenir d’avoir démissionné il y a cinq ans quand elle avait perdu…Question de crédit car c’est un argument-massue pour l’ennemi FN qu’elle aura à affronter au second tour. Même si un duel de femmes serait spectaculaire. Marine Le Pen jouera les bull-dozers pour tenter d’écraser son adversaire en prenant le risque d’éloigner les tièdes et Valérie Létard devrait galvaniser un électorat surpris par la fusion des listes et construire un front anti-Le Pen en quelques jours. Depuis peu, le nom de Frédéric Cuvillier, le maire de Boulogne-sur-mer tête de liste socialiste dans le Pas de Calais, est chuchoté comme recours à gauche. L’ancien ministre n’a jamais digéré son éviction de la tête de liste régionale et fait de son duel avec Marine Le Pen une affaire personnelle.
Entre les deux tours, outre les personnalités en lice, y-aura-t-il des « visiteurs du soir » ? Evidemment. L’enjeu est trop important à gauche, à droite et au FN. Les grands patrons de parti seront à la manoeuvre, de Sarkozy à « Camba », en passant par Jean-Christophe Lagarde pour l’UDI, et MLP au four de l’élection et au moulin du parti. Le dernier mot du côté de l’Elysée et de Matignon pour la gauche. Même Jean-Christophe Cambadélis n’interviendrait que pour régler la décision suprême. Car après c’est la présidentielle qui se profile. Parmi les éminences discrètes, on devrait apercevoir un Jean-Louis Borloo et un Francis Decourrière, pour la droite. Un Daniel Percheron et une Martine Aubry pour la gauche. Un Alain Bocquet pour le PC. Voire un Jean-Luc Mélenchon pour la gauche de la gauche.
Xavier Bertrand peut-il fusionner avec les Verts ? Hum… »Les Verts dehors » répète en boucle le candidat LR qui ne risque pas de s’attirer les faveurs des écolos. Même l’électeur EE-LV peut s’en effrayer. Pour plaire à son électorat qui souhaite l’alternance, le maire de Saint-Quentin doit tenir une ligne d’intransigeance mais se prive de réserves face à une Marine Le Pen qui le distance. Alors qu’avec une Valérie Letard, la compatibilité est mieux assurée. Quant à la consanguinité de l’exécutif bleu/rose dès le début du mandat, c’est une autre histoire. L’idéologie affleure toujours dans un débat régional. Le Nord-Pas de Calais et la Picardie ne font pas exception.
Pierre de Saintignon peut-il fusionner avec les Verts et le PC ? On peut poser la question à l’inverse. Au dessus de 5 % et en dessous de 10% ces formations ont tout intérêt à rejoindre le PS pour ne pas tomber dans l’oubli. Il y va de leur survie politique – les alliances pour 2017 et les plates-formes locales -mais aussi des capacités financières, nerf des guerres électorales. Pour PdS, la difficulté est de ne pas faire mentir les chiffres du premier tour. Une élection ce n’est pas seulement une question d’addition, mais de dynamique.
Dans ce cas d’un duel, le FN peut-il toujours gagner ? Oui, dans une moindre mesure. Et il subsiste encore une marge de manoeuvre pour une coalition anti-FN, d’où les tergiversations qui font l’actualité. L’épouvantail de l’UMPS, un puissant catalyseur dans l’opinion, peut réveiller l’électorat et les abstentionnistes en faveur de MLP. La lutte sera féroce et les appareils et logistiques respectives tourneront à plein régime. Si MLP dépasse les 40/42 % au soir du premier tour, elle prend une option sur la victoire. Marine Le Pen sait bien qu’une partie de l’électorat LR hésitera entre la liste FN et la liste LR/PS /gauche fusionnée, certains électeurs de premier tour des listes Bertrand n’accepteront pas la fusion et feront défection ou se porteront sur les listes FN. Combien ? C’est l’inconnue du second tour.
Le FN sera-t-il nul s’il dirige la région ? C’est un argument avancé à gauche comme à droite, nourri par l’insuffisance présumée du programme du FN. Les expériences d’Hénin-Beaumont et de Villers-Cotterêts plaident en faveur du non. L’époque d’un FN qui découvrait les contraintes de la gestion d’une collectivité et s’y noyait est révolue, c’était il y a vingt ans. Les profils « Philippot » ne sont plus rares au FN et une Marine Le Pen n’aurait pas de mal à attirer des hauts fonctionnaires intéressés par un plan de carrière dans une grande région de six millions d’habitants. Côté élus, des Philippe Eymery, Michel Guiniot, Sébastien Chenu, Jean-François Bloc et Jean-Richard Sulzer tiendraient la maison. Quand la présidente fait campagne présidentielle.
EE-LV et Sandrine Rousseau peuvent-ils se maintenir au second tour s’ils font plus de 10% ? Théoriquement, oui. Politiquement… Peu probable, car provoquer une quadrangulaire et laisser les socialistes à moins de 20 % ne serait pas sans conséquences sur le paysage politique régional et au-delà. Pire, une liste EE-LV/Parti de gauche à plus de 10 % qui fusionne avec celle du PC – emmenée par Fabien Roussel – à plus de 5 % serait en mesure de talonner celle du PS. Une vraie catastrophe pour la gauche qui serait à reconstruire. Vae Victis !
Une triangulaire est-elle toujours possible au second tour ? C’est même le scenario encore le plus probable. Le théorème Valls de la fusion anti-FN répété en boucle aboutit surtout à brouiller le message et à mélanger un peu plus les cartes d’un jeu improbable. Le premier ministre vise en fait à engranger des points d’image et à se forger une stature morale. Les états-majors anticipent déjà un résultat et se projettent dans la prochaine campagne. La rigidité des positions des protagonistes de gauche et de droite peut trouver matière à résister entre les deux tours et fermer le jeu. On se dirige alors vers une triangulaire.
Onzième question. Y-aura-t-il des boules puantes à trois semaines du scrutin ? Prétendre le contraire relèverait du bisounours. En général, plus on s’approche du dimanche fatidique, plus la tension monte et avec elle son cortège de coups fourrés et de pièges divers et variés. Bref, le niveau de vigilance monte de plusieurs crans. Exemple aujourd’hui, quand Gérald Darmanin, numéro 2 LR/UDI dans le Nord, met en joue Pierre de Saintignon, numéro un PS, pour utilisation présumée abusive des réseaux sociaux. Comme de plus en plus souvent, le troisième tour se tient dans les prétoires, à coup d’arguties juridiques ou de comptes de campagne prétendûment dépassés ou insincères. Et les recours en annulation ne sont plus rares. Intérêt nouveau : un tel recours n’oblige plus les élus frappés par le cumul à une démission immédiate et le délai est ainsi prolongé. Et l’on sait que les multi-cartes sont légion dans cette élection. Quelle aubaine ! La rumeur rapporte que des spécialistes et des avocats sont saisis pour identifier failles et anomalies dans le dispositif des adversaires et porter le fer au bon moment.
Ce contenu est © DailyNord. Si cet article vous intéresse, vous pouvez reprendre un extrait sur votre site (n’excédant pas la moitié de l’article) en citant bien évidemment la source. Si vous désirez publier l’intégralité de l’article, merci de nous contacter »
Une triangulaire (ou plus) au second tour, c’est la victoire de Le Pen assurée. 2 listes au second tour (avec ou sans fusion) , et la victoire de Marine Le Pen ne devient ‘que’ probable. il semble que Bertrand qui a longtemps chassé (et sans succès) sur sa droite extréme se recentre enfin un peu, mais un peu tard…