Dossier Par Gaëtane Deljurie | 11 juin 2015
Après notre premier chapitre sur les chiffres, place à l’analyse qualitative. Karima Delli (Les Verts) et Dominique Riquet (UDI) se sont prêtés au jeu pour parler de leur quotidien, entre le parlement Strasbourg et la commission à Bruxelles.
Dominique Riquet n’a pas démissionné de son mandat de maire « de gaité de coeur » mais il n’a pas eu le choix pour assumer ses fonctions de député européen. Crédit photo Dominique Riquet.
Quels sont les dossiers qui vous occupent actuellement ?
Karima Delli (Les Verts) : En tant que coordinatrice de la commission Transport et Tourisme qui vise à mettre en place une politique commune de tous les moyens de transports, je procède à beaucoup d’auditions, j’établis les ordres du jour, j’organise le déplacement des différentes délégations, etc. Bref, j’ai énormément de réunions. Pour être coordinateur, il faut être extrêmement pointu dans son domaine. Nous avons travaillé par exemple sur la mobilité durable en ville, qui vise à réduire la pollution urbaine : comment favoriser les pistes cyclables ou établir une offre de transports publics efficace en autres. Le transport public est le seul secteur qui n’a jamais réduit sa production de CO2 depuis 1990. Ces questions sont liées à l’accès à l’emploi, au dumping dans le transport routier, au dimensionnement des camions et au report modal du transport de marchandises vers le rail ou les voies d’eau, etc. Et encore, ce ne sont que des sujets parmi tant d’autres !
Dominique Riquet (UDI) : Je viens de passer deux mois (et plusieurs nuits blanches) sur le plan d’investissement Junker qui libèrera près de 315 milliards d’euros d’investissement public et privé au cours des trois prochaines années. Mon travail de parlementaire, c’est de recevoir entre 200 à 250 visiteurs par semaine (des lobbys, des chefs d’entreprises, des comités d’entreprises, des lycées, des élus, etc.) pour discuter de l’Europe. J’ai aussi créé un intergroupe sur les financements à long terme et la réindustrialisation pour mettre en adéquation les trois côtés du triangle : projets, finances et régulation. L’objectif est de favoriser les interactions entre entreprises et d’instaurer des rapports de confiance et d’échange entre les différents acteurs et l’Europe (www.longterminvestment.eu). C’est penser le futur en se fondant sur l’existant. En promouvant un cadre réglementaire et fiscal européen incitatif pour l’investissement à long terme et la réindustrialisation.
Karima Delli, députée européenne, voit son mandat comme un travail de terrain. Crédit photo Karima Delli.
Comment décririez-vous votre travail en tant qu’eurodéputés ?
Karima Delli (Les Verts) : Je me rends sur le terrain, notamment dans notre euro-région et je porte les problématiques locales à Bruxelles et à Strasbourg. Je serai par exemple à Calais le 26 juin prochain à l’occasion de la présentation pilote pour accueillir les migrants. Je vais suivre de très près le projet du Canal Seine Nord qui pour moi est synonyme de transport plus écologique. En Picardie, je vais m’intéresser au problème de la ferme des 1000 vaches et me battre pour que l’Europe ne finance pas ce modèle économique. Je vais également animer des débats dans la circonscription : je m’oblige à me rendre dans les écoles au moins une fois par mois et à organiser un débat mensuel. J’essaie d’être présente à toutes les rencontres européennes. Je vérifie aussi comment l’argent de l’Europe est utilisé sur notre territoire. Chaque année, j’édite une brochure pour rendre des comptes sur ce que j’ai fait. En tant qu’élue, j’essaie de donner un sens à mon mandat.
Dominique Riquet (UDI) : J’ai quitté Valenciennes pour Bruxelles car je passe désormais tout mon temps à mon bureau de la commission (NDLR : sur un mois, les parlementaires passent chaque mois trois semaines à Bruxelles en commissions et une semaine en séance plénière au Parlement de Strasbourg). Je n’ai pas démissionné de mon mandat de maire de Valenciennes par gaieté de cœur mais c’était impossible de mener les deux mandats de front. Mes journées commencent généralement à 8h et se terminent à 22 h. Mon travail consiste à construire les textes, à en discuter dans les commissions pendant des centaines d’heures. Je vais également sur le terrain, rencontrer des pêcheurs de Boulogne-sur-Mer comme des ouvriers en sidérurgie à Dunkerque.
Nous avons analysé dans la première partie du dossier les chiffres du site indépendant VoteWatch Europe. Où l’on a constaté que le Front National se montrait plus présent que dans son mandat précédent.
Karima Delli : C’est une vraie question de savoir mesurer qualitativement le travail d’un député européen si complexe. Certes, il y a les statistiques. Mais Marine Le Pen, je ne la vois jamais à Bruxelles. Les explications de vote du FN en sessions plénières à Strasbourg se résument la plupart du temps à trois lignes démultipliées par des copiés-collés. Ce qu’ils font concrètement ? On se le demande ! Ils sont déjà incapables de monter un groupe politique européen. C’est un parti soit-disant anti-système qui profite du système en maniant la machine européenne pour montrer leurs statistiques sous leur meilleur jour. Ils ont bien compris qu’on les avait attaqués sur ce terrain.
Dominique Riquet (UDI) : La technique du Front National pour afficher de si belles statistiques ? Diffuser des notes écrites par paquet de vingt et ça fait des années que ça dure ! Mécaniquement, ils ont compris comment manipuler les chiffres. Moi, j’ai enregistré 100% de présence en commission Transport mais ça n’apparaît pas sur le site VoteWatch Europe. Les commissions, c’est ce qu’il y a de plus important pour avoir une action certaine sur le système européen. On entre alors dans la machinerie. Je sors par exemple d’un trilogue : une fois que le Parlement a voté, il présente le texte au Conseil des ministres, en présence de la Commission européenne. On y discute du moindre mot, de la moindre virgule. C’est plus important quand même qu’un simple commentaire envoyé par écrit par l’assistant lors des assemblées plénières. Concernant la présence, on peut aussi arriver, signer et repartir… Depuis six ans, je ne croise pas les eurodéputés FN à la commission à Bruxelles, je ne le vois qu’au parlement de Strasbourg où je considère qu’ils font de la représentation. Je vais faire une comparaison avec mon ancien métier de chirurgien : on peut passer une même matinée à faire des opérations très simples ou à mener des interventions délicates. Le résultat est le même : vous avez travaillé une matinée mais certains actes demandent plus d’expertise, d’investissement et de concentration !
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