Réflexions Par Alexandre Lenoir et Nicolas Montard | 17 février 2015
Si la fusion des régions est actée, on ne sait pas bien comment tout cela va se mettre en place. DailyNord a rencontré deux députées, l’une du Nord, l’autre de la Somme, pour évoquer cette réforme territoriale et l’avenir de cette grande région de 6 millions d’habitants. Entretiens croisés à l’Assemblée Nationale avec Audrey Linkenheld (PS) et Barbara Pompili (EELV).
Cette photo est la preuve que socialistes et écologistes peuvent s’entendre… au moins le temps d’une interview et d’une prise de vues. Photo : DailyNord.
DailyNord : Que pensez-vous, quelques mois après qu’elle a été actée, de cette fusion entre Nord – Pas-de-Calais et Picardie ?
Audrey Linkenheld : L’histoire et la géographie vont dans le sens de cette fusion. Mais la situation économique et sociale aurait mérité un peu plus de temps pour la préparer, afin de la réaliser dans de meilleures conditions. Quand deux régions ne se portent pas bien, ça peut certes créer des énergies, mais ça peut aussi entraîner des accumulations de problèmes. Et ce n’est pas stigmatiser la Picardie que de dire ça. Vu de loin, on considère Lille comme une métropole capable de tirer tout cela, mais la réalité est que Lille reste une ville pauvre et qu’elle est un moteur moins puissant que d’autres métropoles françaises.
Barbara Pompili : Dans cette affaire, il n’y a pas eu d’étude d’impact réel. D’autant qu’au départ… on parlait d’une fusion Picardie/Champagne Ardenne. L’hypothèse de départ est que deux régions qui fusionnent vont forcément entraîner un grand développement économique. Or, ce n’est aucunement corroboré par des faits.
Audrey Linkenheld : De plus, on a considéré qu’il fallait des régions uniformes en superficie et en population. Ce n’est pas forcément la meilleure solution. En Allemagne par exemple, il y a de grandes et de très petites régions…
DailyNord : Quand deux entreprises fusionnent, c’est souvent en réalité la plus importante qui absorbe l’autre. Le Nord – Pas-de-Calais va-t-il absorber la Picardie ?
Barbara Pompili : Il y a cette crainte chez les Picards d’être encore une fois les laissés-pour-compte de l’histoire. Si on se base sur les trente dernières années, tout le développement est passé à côté de la Picardie. Regardez le TGV qui devait s’arrêter à Amiens et qui est parti vers Lille… En Picardie, ce traumatisme est encore très présent et on a souvent cette impression d’être méprisé.
Audrey Linkenheld : Ce qui est un sentiment assez partagé par les Nordistes ! C’est à celui qui sera le plus pauvre, le plus malheureux. Moi qui vient d’Alsace, je suis frappée par ces discours qu’on retrouve même à l’intérieur des départements, dans le sud du Nord par exemple. Je ne comprends pas cette surenchère. Mais ces craintes plaident pour ce que je disais : il aurait fallu nous laisser un peu de temps, objectiver un certain nombre de données, parce qu’il y a beaucoup de fantasmes et de malentendus entre les deux régions.
Députée de la Somme, Barbara Pompili espère que la fusion ne sera pas synonyme de dissolution de la Picardie dans le Nord – Pas-de-Calais. Photo : DailyNord.
Barbara Pompili : Il y a des similitudes et problématiques économiques très fortes. Notamment entre la Somme et le Pas-de-Calais : le chômage, les terres agricoles, des enjeux de littoral communs. Néanmoins, native du Pas-de-Calais et vivant désormais à Amiens, je me rends compte qu’il y a de grandes différences dans l’état d’esprit. Les mentalités ne sont pas les mêmes.
Audrey Linkenheld : Attention, je pense justement qu’il ne faut pas faire l’erreur de dire que l’on va construire ces grandes régions sur des identités semblables. Ca peut servir de ciment, certes, mais si je prends l’exemple de l’Est, les Alsaciens n’ont pas d’identité commune avec les Champenois. Cela ne doit pas empêcher de construire quelque chose institutionnellement. Même à l’intérieur des départements, il existent des identités ou des mentalités différentes. Il faut faire avec. L’important, c’est d’abord le cadre économique et l’aménagement du territoire
Barbara Pompili : L’erreur serait justement de vouloir coller une grande et une petite région côte à côte. Il faut raisonner désormais en terme de nouvel espace central, au milieu de la Grande-Bretagne, la Belgique, la grande Alsace et l’Ile-de-France.
Barbara Pompili, future ministre ?Née à Bois-Bernard dans le Pas-de-Calais en 1975, Barbara Pompili a grandi à Liévin, puis a fait ses études à Sciences-Po Lille. Elle adhère aux Verts en 2000 avant de devenir collaboratrice du député écolo Yves Cochet. Elue députée de la deuxième circonscription de la Somme en 2012 – son premier mandat électif -, elle est désignée coprésidente du groupe écolo à l’Assemblée Nationale, où comme Audrey Linkenheld, elle fait partie des députés plutôt assidus. Médiatique, elle n’hésite pas à aller au clash avec l’aile gauche du parti en défendant la participation des écolos au gouvernement. Prête à se sacrifier si Valls l’appelle. |
Audrey Linkenheld : Je suis d’accord, ce n’est pas une extension. Et il ne s’agit pas de plaquer bêtement ce qui marche dans une région sur l’autre. Il faut réinterroger la manière de faire.
Barbara Pompili : On ne part pas de rien en plus. On a des instances communes qui fonctionnent bien. I-Trans, le pôle de compétitivité sur les transports durables, par exemple.
Audrey Linkenheld : Le ferroviaire aussi ! Et je n’ose pas dire le Canal Seine Nord (les deux députées ne sont pas d’accord, voir plus loin, Ndlr). Mais, oui, il va falloir réinterroger la place que l’on occupe en tant que troisième région de France et surmonter notre complexe d’infériorité partagé. En portant collectivement les choses, nous pourrons être certainement plus fort, notamment en terme de péréquation (mécanisme de redistribution qui vise à réduire les écarts de richesse, et donc les inégalités, entre les différentes collectivités territoriales, Ndlr). Jusque-là, le compte n’y était pas… et il n’y sera pas si on ne parle pas d’une même voix.
Barbara Pompili : On partage certes des choses négatives et notamment ce sentiment de déclassement qui pousse les gens à voter FN. Mais il ne faut pas avoir une vision misérabiliste de la région. Il y a une forme d’attractivité à développer : la vocation touristique avec la Baie de Somme, le Bassin Minier à l’Unesco… Il y a encore du travail, car on n’a pas assez l’habitude de travailler ensemble. La preuve avec la ligne ferroviaire Amiens-Lille. Elle se dégrade de plus en plus avec très peu d’horaires…
DailyNord : Amiens, Lille, quelle doit être la capitale de cette nouvelle grande région ?
Barbara Pompili : Je pense que nos positions vont être diamétralement opposées !
Audrey Linkenheld : Pas si sûr. En tant que Lilloise, d’un point de vue affectif, oui, je préfère Lille. D’un point de vue institutionnel, on a une seule métropole sur ce territoire, donc la logique voudrait également que ce soit Lille. Mais si on veut être cohérent avec tout ce que l’on vient de dire, il faut que ce choix de capitale fasse l’objet d’une discussion et d’une coopération. Car oui, il y a de réels enjeux à cette question en terme de doublons dans les emplois publics.
Barbara Pompili : C’est pour cela qu’avec Christian Manable, président PS du Conseil Général de la Somme, nous avons lancé le collectif « Oui à Amiens Capitale ». Nous avons été rejoints par la maire UDI d’Amiens et le président UMP de l’agglomération. Tout de suite, dans le Nord – Pas-de-Calais, mais aussi en Picardie, beaucoup ont dit : « ce sera Lille, la capitale ». Mais attention : si Amiens perd son statut de capitale, il y aura de des transferts d’administrations…
Audrey Linkenheld : Ça relancera la ligne Amiens-Lille !
Barbara Pompili : … et nous n’avons aucune garantie sur les conséquences économiques d’une éventuelle perte d’emplois publics, au moment où nous avons des problèmes de reconversion : 1 000 personnes sur les 1200 personnes licenciées l’an dernier chez Good Year sont toujours sur le carreau. Lille est une capitale économique. Elle a un rayonnement. Nous en avons besoin. Mais pourquoi ne pas réfléchir à une nouvelle organisation ? Un binôme capitale économique/administrative, comme dans certains pays ? La migration de certaines administrations lilloises vers Amiens ? Nous avons demandé un rendez-vous au Président de la République et au Premier Ministre sur ces sujets, pour leur demander comment ils voient les choses.
L’endroit préféré d’Audrey Linkenheld en Picardie ? La Baie de Somme, répond-t-elle, au risque de paraître « trop classique ». Photo : DailyNord.
DailyNord : Le Canal Seine-Nord sera – peut-être – le grand chantier de la région unifiée. Qu’en pensez-vous ?
Audrey Linkenheld : A titre personnel, j’y suis favorable. À la fois pour le développement de la grande région en terme de créations d’emplois et pour le développement durable.
Audrey Linkenheld, le goût de ParisAprès avoir gravi les échelons dans l’ombre de Martine Aubry, d’abord comme directrice de cabinet puis en tant qu’adjointe au logement à Lille à partir de 2008, Audrey Linkenheld est devenu députée de la deuxième circonscription du Nord en 2012. Née à Strasbourg en 1973, cette bosseuse passée par Science-Po Paris préfère les subtilités d’un dossier technique sur l’habitat aux tapes dans le dos avec les camarades socialistes des sections de quartier. D’où son peu d’appétence pour la fonction de maire de Lille à laquelle elle semblait destinée. Si l’on en croit le site nosdéputés.fr, c’est une élue plutôt assidue, notamment en commissions. |
Barbara Pompili : Moi, je vais continuer à essayer de convaincre que c’est une gabegie. L’objectif de désengorger l’A1 de ses transports de marchandise est tout à fait souhaitable, mais le report modal n’excédera pas les 2 à 3%. On se retrouvera toujours avec la saturation et la pollution de l’A1. Concernant le développement économique, personne n’est capable de nous certifier que ce sera de l’emploi local.
Audrey Linkenheld : Tu ne peux pas dire ça. Avec tout ce que l’on fait pour lutter contre les travailleurs détachés illégaux ! Evidemment que cela va profiter au local. Et si c’est un mec de Seine-Saint-Denis qui décroche ce boulot, c’est de l’emploi local.
Barbara Pompili : En terme de développement durable, il va falloir chercher de l’eau dans l’Aisne et dans l’Oise. On accroit le risque de stress hydrique, on perd des terrains agricoles, et on ne résout pas les problèmes de pollution. On ferait mieux d’investir dans le fret en développant l’autoroute ferroviaire Nord-Atlantique.
Audrey Linkenheld : Mais avec le canal, on se tourne vers l’axe rhénan parce que c’est là que se joue le développement économique… plus que vers la mer du Nord.
DailyNord : Dernière question au sujet de la fusion. Audrey Linkenheld, quel est votre endroit préféré en Picardie ? Et Barbara Pompili, le vôtre dans le Nord – Pas-de-Calais ?
Audrey Linkenheld : Ça ne va pas être compliqué… je connais peu ! Si je vous dis la Baie de Somme, c’est trop classique, non ?
Barbara Pompili : Ce sera l’occasion de se faire visiter les régions ! Pour moi, aussi, c’est compliqué, mais je dirais Lens et Liévin, là où j’ai grandi.
Ce contenu est © DailyNord. Si cet article vous intéresse, vous pouvez reprendre un extrait sur votre site (n’excédant pas la moitié de l’article) en citant bien évidemment la source. Si vous désirez publier l’intégralité de l’article, merci de nous contacter »
Retrouvez toute la rubrique lu vu entendu »
Mme Linkenheid demontre tant d’illusions sur le canal Seine Nord qu’on en est aterré. Elle est bien socialiste : plus c’est gros plus ça crée d’emplois sur fonds publics, plus ça lui plaît. Enfin, on rit de l’axe rhenan auquel s’accrocherait la region via ce canal. On ne peut que lui suggerer le voyage entre Bâle et la mer du Nord en VELO, un voyage que scout on avait fait au debut des années 60 avec des passages sur de colossales peniches tudesques. On lui conseille de compter les zones d’activités sur ces 1000 kilomètres… Le long des canaux entre lille et Paris, il n’y a rien que des patates et du mais et des cailloux et quelques usines à bagnoles . Comment peut on se montrer si ignorante et ne repercuter que les avis de M Percheron dont on connaît la finesse de l’analyse economique avec les stades de foot ?
Dommage, il manque une bonne question: quelle nom pour la région ?
En demandant à nos élus ce qu’ils pensaient du choix des dailynautes bien entendu.
@Franck : deux journalistes… et on n’y a même pas pensé… Oups. Nous rendons nos cartes de presse sur le champ.
Dailynord se rattrapera la prochaine fois pour savoir si nos élus sont d’accord avec le Flandre-Artois-Picardie. Personnellement je suis du Pas-de-Calais et si nos élus pouvaient faire quelque chose pour nous débarrasser de l’horrible appellation pas-de-calaisien je serais ravi.
Au nPs, on adore le complexe d’inferiorité supposé de la Region Nord PdC . Convaincre ses auditeurs qu’ils sont l’objet du mepris, c’est politiquement rentable. Les hommes politiques font tous plus ou moins ça dans leurs discours . La conclusion est simple : ralliez vous à moi et je vous rendrais votre fierté. Ces mots, c’etait exactement la teneur des voeux de Martine Aubry sur la couv de VDN il y a quelques années qui se disait très fière « d’avoir rendu leur fierté aux Lillois ». On ne saurait s’exprimer avec plus de mepris parce que ce discours biseauté infère que les Lillois auraient perdu leur « honneur » – quels ballots – et que c’est uniquement grâce au savoir faire du maire actuel de Lille qu’ils l’ont retrouvé. Ce mois ci, la fierté volait très bas à Lille, av du peuple belge . Et aucun elu n’est venu la defendre. DSK, après une dernière pirouette stylistique à l’egard du president du tribunal est sorti legalement blanchi mais couvert d’opprobre. Attention aux degâts dans les isoloirs.