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Regards d’expatriés nordistes sur les attaques terroristes en France

Petite histoire Par | 14 janvier 2015


Si l’émotion était palpable dans tout le territoire hexagonal ces derniers jours, qu’en est-il lorsque l’on est français, mais installé loin de nos latitudes ? DailyNord a contacté plusieurs expatriés nordistes pour savoir comment ils avaient vécu les attaques terroristes. Verbatim.

Vidéo de l’AFP sur les rassemblements dans le monde.

Thomas,  enseignant en Chine (originaire de Bouvigny-Boyeffles)

« Avec mes collègues, nous retournions en salle des professeurs, comme tous les soirs, en plaisantant, en échangeant des anecdotes sur nos classes. Un des collègues s’apprêtait à éteindre son PC et nous a interpellés : « Il y a eu une attaque à Charlie Hebdo!« . Nous avons lu les dernières infos et chacun est rentré chez soi. Je suis allé dans mon bureau et j’ai écouté la radio, jusqu’à l’intervention du Président (vers 4h du matin chez nous). Le lendemain, ce fut comme un matin de gueule de bois, le bilan s’était alourdi, personne n’arrivait vraiment à réaliser, des théories en tous genres fusaient.

Quelques collègues (dont moi) en ont parlé avec nos étudiants, qui étaient pleins d’interrogations. Notre travail a surtout été d’écouter, d’expliquer l’amalgame fait entre l’Islam et l’intégrisme religieux, que le terrorisme/les attentats/l’obscurantisme religieux ne sont pas uniquement le fait de musulmans intégristes car, en Chine, les musulmans sont quelque peu « malmenés » par le pouvoir. Les religions sont plutôt mal vues, quant à la liberté d’expression et de la presse, n’en parlons pas.

Un gros travail a donc été fait pour expliquer que les religions ne prônent pas la haine, mais que certains s’en servent de prétexte pour faire régner la peur et la mort. Nous n’avons pas abordé le cas de la liberté d’expression en Chine, pas question de faire de la politique en cours, mais sur les réseaux sociaux de l’Empire du Milieu, on a vu certains commentaires du genre : « vous avez vu où ça mène la liberté d’expression ? A la mort, donc la censure, c’est pas si mal« …

Néanmoins, de nombreux étudiants ont changé leur photo de profil par « je suis Charlie », d’anciens étudiants ont manifesté en France ce week-end, bref, les étudiants chinois que je connais qui étudient le français ou en France ont été choqués et sont solidaires des mouvements populaires dans le pays. »

Marc, retraité, s’occupe de l’ONG Les Enfants du Dragon (*), au Vietnam (originaire de l’Arrageois)

« J’étais devant l’ordinateur lorsque j’ai vu une publication sur Facebook vers 17:30 ici au Vietnam. J’étais à la fois atterré et révolté.

Même si je n’appréciais pas toujours les caricatures de ce journal, j’ai toujours respecté la liberté de penser des uns et des autres, rien ne peut justifier un acte aussi terrible.

Des manifestations de recueillement ont été organisées au Consulat à Saigon et, je suppose, à l’Ambassade de Hanoi. Un livre de condoléances y a été ouvert. Pour des raisons d’éloignement et de disponibilité, je n’ai pas assisté à ces cérémonies… L’amicale francophone a elle aussi organisé un rassemblement des expatriés en ville. Les Vietnamiens étaient eux-mêmes choqués par les informations que nous recevions, toutes les chaînes relayaient l’événement… Je m’informais quant à moi via la lecture des résumés de presse, France 24 et BFM-TV. »

(*) Qui a toujours besoin de dons. C’est par là.

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Célia, Argentine, coach et consultante en communication (originaire de Lille)

« J’étais dans un eco-hostel à 5 heures de Mendoza, lorsque mon conjoint m’a dit «Il y a une tuerie, je crois qu’il y a eu un attentat à Paris ». Internet fonctionnait mal. On est resté silencieux. Il a regardé le site du Monde. Il m’a dit « Putain, ils ont eu Cabu, Charb et Wolinski ». Il s’est mis à pleurer. Moi, il m’a fallu plusieurs minutes pour réaliser. J’étais très émue. Autour de nous, les Argentins voyaient notre émotion, mais je pense qu’ils ne réalisaient pas ce qu’il se passait réellement  en France et dans nos cœurs.  Je me sens démunie car il  est difficile d’apporter ma voix, mon soutien, de débattre à distance. J’ai beaucoup pleuré en regardant les messages des amis sur Facebook et les actualités sur France 24.

Je ne sais pas s’il y a eu un rassemblement à Mendoza, nous avons demandé autour de nous, le consulat étant très peu ouvert, nous n’avons pas reçu d’information. D’habitude, je suis de « toutes les manifestations » et celle-ci, je n’aurais pas pu la faire. J’aurais aimé être là, et en France, avec mes proches, pour dire lors des manifestations  « on va faire en sorte que la liberté d’expression soit protégée et maintenir la France comme on l’aime, c’est-à-dire, dans sa diversité : musulmans, juifs, catholiques et athées« .

Kim, Suède, informaticien (a fait ses études à Lille)

« J’ai suivi principalement le live du monde.fr. Ils ont fait énormément de travail pour n’offrir que des informations vérifiées, et éviter les flash infos sensationnels qui se sont avérés complètement faux. Et comme, j’ai de la famille à Paris, je ne voulais pas tomber sur une information non vérifiée qui m’aurait fait paniqué.

Il y avait un rassemblement à Göteborg, où je vis, mais j’étais malheureusement dans un avion en direction des Etats-Unis ce dimanche, pour des raisons professionnelles. Je regrette de ne pas avoir pu y assister.

C’était très dur. Je lis Cabu depuis que je suis petit, avec le Grand Duduche et mes parents ont toujours été lecteurs occasionnels de Charlie Hebdo. Donc, je le lisais quand je passais à la maison, c’est une institution en sorte. Quand les noms des victimes ont commencé à être confirmés,  j’ai vraiment réalisé l’ampleur de ce qu’il se passait.

C’était vraiment un sale moment pour être au boulot, parce que mes collègues ne comprenaient pas vraiment ce qu’est Charlie Hebdo, et l’expliquer à chaud était difficile. La culture suédoise n’a pas la même tradition de satire politiquement très incorrecte, et la plupart d’entre eux croyait que Charlie était tout simplement un journal anti-musulmans. J’ai dû expliquer beaucoup le contexte de toute l’histoire pour les aider à comprendre. »

Jordan, journaliste, Chine (a grandi à Fournes-en-Weppes)

 » J’ai appris la nouvelle par ma femme. Elle a reçu une alerte de Tencent News sur son téléphone. Une fusillade venait de se produire à Charlie Hebdo. Il était 18h45 et nous étions dans un taxi. Des amis nous attendaient pour le diner. Depuis Pékin, j’ai vécu une semaine de deuil numérique. Sur Facebook, Twitter, Instagram, mon entourage ne parlait que de ça, rien d’autre. Je très peu dormi pendant deux jours. Je me réveillais toutes les deux heures pour savoir si les terroristes étaient neutralisés. Que des gens se fassent buter pour des dessins me paraissait improbable, surtout en France. Je percevais l’effroi à Paris, grâce aux réseaux sociaux occidentaux mais rien à Pékin. Dans mon quartier, seul un retraité qui promène ses mainates chaque après-midi, très au fait de la presse officielle, m’a posé des questions. J’ai vu les écrans de la médiathèque de l’Alliance Francaise à Pékin afficher le message « Je suis Charlie ». C’est tout.

J’ai échangé avec des amis chinois qui ne connaissent pas la presse subversive, puis des Américains qui ne comprennent pas qu’un hebdo puisse volontairement offenser. Un journal chinois pourrait très bien caricaturer un chef spirituel, comme le Dalai Lama… mais ne pourrait pas s’en prendre aux dirigeants politiques. Quant aux Américains, il semblerait que le souci de ne jamais heurter domine. Robert Crumb, un ‘cartoonist’ disait que les journalistes américains, dans leur majorité, font des « Relations Publiques ». »

Guillaume, Country Manager, Etats-Unis (originaire de Cysoing)

« C’était surréaliste: se réveiller et voir ça en ligne, ça semblait impossible, il m’a fallu plusieurs minutes pour accepter ce qui était en train de se passer. Et puis un gros choc, et un sentiment de révolte.

Beaucoup d’Américains m’ont tout de suite demandé si mes amis et ma famille allaient bien. Ils étaient également profondément choqués, pour eux que deux types se pointent avec une Kalachnikov en plein Paris et descendent des journalistes, c’était impossible. Il y a eu une belle solidarité, des amis, des gens avec qui je travaille, de simples connaissances, des commerçants.

Après, il y a eu aussi des questions sur l’intégration, le traitement des minorités et le racisme en France. Et sur Charlie Hebdo, que beaucoup d’étrangers trouvent raciste (antisémite et islamophobe). Et pour le peu d’étrangers connaissant un peu la situation politique en France, il y a eu une question peu plaisante : Le FN va en profiter, non ? »

Etienne, journaliste, Mali (natif de Calais)

« J’ai appris l’attaque de Charlie Hebdo à Bamako, sur le bandeau déroulant d’un écran de télé muet dans un magasin de vêtements en pagne. La peur a été mon premier sentiment. Peur de la haine qui suit parfois la colère et dont j’ai pu constater la puissance destructrice lors de certains séjours en Afrique.

J’ai passé les trois jours suivants vissé devant la télé, l’écran de mon ordinateur et celui de mon téléphone. C’est après la marche de dimanche que j’ai commencé à me rassurer. Les terroristes ont échoué. Le tissu social ne s’est pas déchiré. Au contraire, il me semble plus solide qu’avant.

Mes amis maliens ont été totalement solidaires. Ils étaient pleinement dans l’action via les réseaux sociaux. J’ai été ému par un « gsuicharli  » en langage sms posté par un jeune Malien qui aurait tout aussi pu être un jeune Français. J’ai aussi senti leur fierté de voir le Président du Mali si proche du président français lors de la marche.

La haine n’a pas gagné ni au Mali, ni en France. J’ai confiance dans l’avenir ! »


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4 Commentaires

  1. Bonsoir Daily Nord.

    Déception.

    Vous n’êtes pas si différend de la Voix du Nord ou de la Dépêche du Midi.

    Nous nous attendions à un mouton à 3 têtes, un veau à 6 pattes…

    Vous ne vous mouillez pas trop en fait…

    Frileux ? 😉

  2. Il faudrait être un peu plus explicite. Qu’attendiez-vous ?

  3. Bonjour
    Si vous voulez un regard d’expatrié en pays arabe et musulman, nous sommes deux anciens Beuvrygeois habitant désormais à Abu Dhabi, Emirats Arabes Unis.
    Hélène et Vincent
    PS : je ne sais pas si DailyNord est toujours rédigé par Christophe, Nicolas, … que j’ai connus à Beuvry au moment du Forum de la Presse, merci de leur passer le bonjour !

  4. @Le Gallois Hélène et Vincent : c’est toujours le cas, même si l’équipe s’est agrandie depuis ! N’hésitez pas de nous faire part de votre témoignage dans les commentaires, si vous le souhaitez.

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