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RECYCLAGE VERRIER

Arc International : mais comment en est-on arrivé là ?

Réflexions Par | 22 janvier 2015


Depuis quelques semaines, on parle beaucoup d’Arc International, en train de passer sous giron américain. Pour comprendre comment l’ex-fleuron familial en est arrivé là, DailyNord vous propose de relire cet article publié en 2013 sur votre pure player préféré.

Article initialement publié en octobre 2013.

A l’intérieur d’Arc International. Photo : Stéphane Dubromel.

Dire que jusque la fin des années 90, la Cristallerie d’Arques, c’était la troisième usine de France après Peugeot-Sochaux et Michelin à Clermont-Ferrand ! Avec trois plans sociaux réalisés ces dix dernières années et un vaste de plan de départs volontaires, les effectifs ont fondu de plus de 6000 personnes. L’avenir du leader mondial des arts de la table semble plus que jamais compromis. Comment en est-on arrivé là ?

Depuis 2000, date changement de nom de Cristallerie d’Arques en Arc International, l’entreprise de la famille Durand n’a cessé d’accélérer son internationalisation, pour alimenter les marchés au plus près sans subir les coûts de transport. Avec la création de filiales en Chine, au Moyen-Orient, au Japon mais aussi au Mexique et en Océanie. Et aussi avec l’ouverture de sites de production à Nankin en Chine, à Gus-Khrustalny en Russie et aussi Ras Al Khaimah aux Emirats Arabes unis…

Pas de bol en Iran, certes, mais des choix peut-être contestables

Manque de bol, à peine après avoir inauguré un quatrième four dans cette dernière unité destinée à alimenter le marché du Moyen-Orient, la communauté internationale prononce un embargo envers l’Iran. « C’était une grave erreur d’investir dans ce four dont la production devait alimenter à 70% le marché iranien, surtout quand on sait à quel point cette zone est géopolitiquement instable », souligne Joël Specque de la CGT.

Les choses avaient pourtant déjà commencé à se gâter bien avant. En 2008, suite à l’arrêt de la production de cristal (devenu polémique à cause de l’utilisation de plomb dans sa fabrication), plusieurs services avaient été mis en chômage partiel. En 2009, le chiffre d’affaires continuait de  reculer, malgré les hausses des prix de vente affichés sur les catalogues. Les explications avancées ? La mondialisation, qui concurrence avec de la main d’œuvre turque et chinoise à bas coûts.

Plus officieusement, le dirigeant de l’époque, Philippe Durand, héritier du quasi-fondateur de la cristallerie Jacques Durand, n’a peut-être pas toujours fait les bons choix. En tout cas, il ne souhaitait plus se cantonner seulement à la fabrication de verre. Lorgnant sur les généreuses marges que pourrait procurer la distribution. « Erreur fatale, ce n’était pas notre cœur de métier », analyse un fin connaisseur du dossier. Philippe Durand rachète pourtant plusieurs grossistes en Europe : Barnette et Alcester au Royaume-Uni, Eneriz en Espagne et Fliba en France. Mais leur demande de commercialiser essentiellement les produits made in Arques. Sauf que les acheteurs se détournent vite vers d’autres revendeurs, proposant plus de choix…

Pour Arc, en 2015, ce sera désormais l’Amérique

550 emplois supprimés sur 10 500 dans le monde et 5 700 en France. Il s’agit des premiers licenciements de l’histoire d’Arc International, mais un moindre mal à entendre les politiques la veille de Noël. Emmanuel Macron, ministre de l’Economie, s’est même félicité que l’entreprise soit sauvée. 200 embauches devraient avoir lieu parallèlement. Reste donc que l’entreprise familiale, l’un des fleurons du Nord – Pas-de-Calais, a été reprise par le fonds américain Peaked Hill Partners (PHP) contre 58 millions d’euros. Et malheureusement, on peut penser que les 5 700 emplois restant en France ne sont pas éternels.

Plus d’infos sur La Voix du Nord.

Mauvaises stratégies et dissensions familiales

D’autres millions d’euros seront également investis dans des filières de luxe, comme Salviati et ses fameux verres de Murano en 1999 ou Mikasa en 2000, alors numéro 2 aux Etats-Unis. Les deux entreprises seront revendues « pour une bouchée de pain » en 2007 et 2008. Entre temps, l’unité familiale d’Arc International s’est fissurée. La famille Durand, alors 30e fortune de France, s’entredéchire doucement mais sûrement. Jusque là, Odette, veuve de Jacques Durand, le fondateur historique, tenait la barre avec ses cinq enfants. Jusqu’à ce que deux d’entre eux, Jean-Jacques et Catherine, décident de céder leurs parts en 1999, suivis de Francine en 2005. Ce qui aurait nécessité de débourser près d’un milliard d’euros au total pour rester en famille…

A la mort de Philippe Durand en 2007, c’est Patrick Gournay, son quasi-bras droit, qui reprend les commandes et recentre l’entreprise en interne sur son cœur de métier, c’est-à-dire la fabrication du verre. Exit la tradition d’internaliser tous les corps d’électricité, de menuiserie ou d’imprimerie. Les effectifs commencent à fondre. Tout est également à vendre : le dirigeant projette déjà la revente d’une partie de l’usine à Saverglass, fabricant de bouteilles de luxe.

Patrick Gournay poursuit alors logiquement l’internationalisation en Asie et au Moyen-Orient. Tout en structurant le groupe en grands pôles : Business (grands comptes), Food Services (collectivités), Consumer Goods (grande distribution). Mais pas facile pour l’entreprise séculaire de s’adapter au changement. « Il est arrivé par exemple que deux services se présentent à un client en proposant des prix différents », fait remarquer Joël Specque, du syndicat CGT.

Toujours de l’argent manquant

Depuis, entre accords de méthode, vagues de départs volontaires et argent public injecté sous forme de plan de revitalisation, crédits impôt recherche et plus récemment crédits d’impôt compétitivité emploi, il manque toujours de l’argent. De l’ordre de plusieurs dizaines, voire centaine de millions d’euros. D’où l’arrêt des fours pendant 15 jours, du chômage partiel et du déstockage pour récupérer le maximum de cash. « Certaines marques comme Pyrex ont été hypothéquées. Si cette marque quitte le giron de la société, ce serait une perte énorme », indique-t-on du côté des syndicats. Sans compter qu’on ne sait pas si des emblèmes comme Luminarc ou Arcopale ont été mis dans la balance…

L’intégralité de notre dossier “Arc International, une si longue descente aux enfers”, publié en 2013 :

Que se passe-t-il du côté de l’ex-cristallerie d’Arques ?

Mais comment en est-on arrivé-là ?

José-Maria Aulotte, directeur des ressources humaines et de la communication : “ce qui importe aujourd’hui, c’est de passer le cap de la fin d’année”

Portrait de Louis Colin, ancien salarié de la Cristallerie d’Arques : “On a gagné beaucoup d’argent”


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