Réflexions | Un quinquennat à Denain et Saint-Omer Par DailyNord | 16 octobre 2013
Chômage partiel, arrêt de fours, arrivée d’un nouveau directeur, les semaines sont agitées ces temps-ci du côté d’Arc International. La semaine dernière, nous vous avons expliqué ce qu’il se passait en 2013, mais également les événements et stratégies qui ont conduit à une telle situation. Aujourd’hui, José-Maria Aulotte, directeur des ressources humaines et de la communication d’Arc International, a accepté de répondre à nos questions. Interview.
DailyNord : Arrivée d’un nouveau directeur, chômage partiel, arrêts momentanés des fours, etc. : les dispositions prises ces derniers mois par la direction seront-elles suffisantes pour sauver le site d’Arc International ?
José-Maria Aulotte, directeur des ressources humaines et de la communication à Arc International : Les moyens mis en oeuvre sont nécessaires et suffisants dans le délai de temps très court qui nous est imparti. Ils tiennent aussi compte des contraintes techniques du site qui doit continuer d’approvisionner ses clients. La plupart des décisions ont été prises seulement pour les trois à quatre prochains mois, afin de contribuer le plus rapidement possible à sortir de la crise. Difficile de prévoir aujourd’hui quelles seront leurs retombées puisque certaines de ces mesures n’en sont pour l’instant qu’au stade de projets. Nous avons proposé un catalogue de solutions. Nous allons désormais travailler à chiffrer leurs impacts. Peut-être que nous n’irons pas aussi loin que nous le prévoyons. Ce qui importe aujourd’hui, c’est de passer le cap de la fin d’année. D’autres échéances bancaires ou financières nous attendent en 2014. En fonction du niveau des commandes, nous serons peut-être amenés à prendre d’autres mesures.
DailyNord : Comment se porte justement le carnet de commandes ?
José-Maria Aulotte : Il reste toujours très imprévisible. Aujourd’hui, nous ne disposons que d’une visibilité à deux ou trois semaines. Les commandes fermes arrivent au compte-goutte. Les cycles de production en dépendent fortement. Ce marché fluctuant constitue d’ailleurs le problème principal. La reprise économique ne se traduit pas par une hausse des commandes auprès d’Arc International. Ces deux à trois dernières années, nous avons mené un énorme travail pour rendre l’usine d’Arques toujours plus compétitive. Reste que l’industrie verrière en général est actuellement en surcapacité de production par rapport aux demandes effectives du marché.
DailyNord : Arc International a depuis les années 2000 cherché à se diversifier, en conquérant justement de nouveaux marchés à travers le monde. Comment en arrive-t-on là quand même ?
José-Maria Aulotte : Les taux de change hors zone euros, d’1,40 euro pour 1 dollar ne jouent pas en notre faveur. Oui, nous avons énormément gagné en compétitivité du point de vue de la production mais l’état du marché semble durablement dégradé par la guerre des prix. Les volumes achetés le sont à des prix toujours plus bas, ce qui détériore nos marges.
DailyNord : Les anciens se souviennent d’innovations multiples, qui inondaient le marché à l’époque de Jacques Durand, du temps de la cristallerie d’Arques. Est-ce que l’entreprise a-t-elle toujours les moyens d’innover aujourd’hui?
José-Maria Aulotte : Nous n’avons jamais cessé d’innover. Seulement, nous ne nous sommes pas cantonnés qu’à des innovations qui se voient, c’est-à-dire des nouveaux produits et matériaux. Nous avons aussi largement progressé en matière de procédés de production industrielle, ce qui a contribué à abaisser les coûts et à rendre l’usine encore plus compétitive. Seulement, cette performance n’est pas aussi visible du grand public. Nous mettons au point des packagings moins gourmands en matières premières et plus économes en énergies. Nos fours consomment aujourd’hui jusqu’à moins 20% d’énergie qu’auparavant. Et ce ne sont que deux exemples. Arc International mène actuellement de front des innovations concernant les produits et des procédés industriels innovants pour produire moins cher.
DailyNord : Quelles sont justement les dernières innovations produits?
José-Maria Aulotte : Nous avons mis au point des décors organiques, avec des produits respectueux de l’environnement qui résiste aux frottements. C’est une vraie innovation sans pour autant être un produit nouveau. Ce nouveau procédé s’applique à une large de gamme de produits, qui eux, ne sont pas forcément nouveaux. Mais la valeur ajoutée du décor organique constitue un vrai argument commercial. Nous avons également lancé de nouveaux matériaux, comme le Diamax et le Zénix (NDLR : le premier sous forme de verre de marque Cristal d’Arques et le second sous forme d’une assiette ultra-résistante de la marque Luminarc). Pour l’instant, l’utilisation de cette innovation ne concerne qu’une gamme restreinte. Mais nous comptons bien la déployer de façon bien plus large sur d’autres produits, destinés à la restauration notamment. L’innovation ne se résume pas à sortir seulement un nouveau produit tous les 3 ou 5 ans.
DailyNord : Justement, Arc International a plusieurs marchés, entre les grands comptes, le b to b, la grande distribution. Cette segmentation entraverait-elle certaines opportunités ?
José-Maria Aulotte : Notre spécificité, c’est de pouvoir proposer des produits sur mesure aussi bien à la Brasserie de Saint-Omer qu’à Coca-Cola. Nous innovons également en conquérant d’autres types de marchés. Notre site industriel en Chine produit des objets spécifiquement adaptés aux marchés locaux. Idem en Moyen-Orient où l’on produit par exemple plus de services à thé qu’en France.
DailyNord : Qu’en est-il des récents investissements au Moyen-Orient ? Le quatrième four de l’usine Ras Al Khaimah aux Emirats-Arabes Unis, inauguré pour alimenter le marché iranien, se retrouve face à un embargo de la communauté internationale…
José-Maria Aulotte : Ce n’est pas un problème avec l’Iran ni avec le Communauté internationale. C’est un problème de marché et de flux financier. En ces temps troublés pour le pays, les arts de la table ne sont pas leur priorité. D’abord, on observe une dépréciation de près de 80% qui touche l’ensemble des produits. Mais surtout, le distributeur, qui est notre client final, ne peut pas faire sortir l’argent du pays puisque les banques ne jouent pas le jeu. En tant que fabricant, c’est donc prendre des risques que vendre sans avoir la certitude d’être payé au final. Par ailleurs, le quatrième four n’était pas destiné qu’à l’Iran. L’extension de capacité prévue en 2011 visait d’autres marchés, et notamment l’Afrique et l’Inde. C’est toujours d’actualité.
DailyNord : Combien faut-il d’argent pour permettre au groupe de s’en sortir ? A combien s’élève la dette ? Des marques ont-elles été hypothéquées ?
José-Maria Aulotte : Il n’est pas anormal qu’un groupe de notre envergure ait un certain niveau d’endettement. C’est ce qui lui permet justement d’investir. Mais toutes les échéances de remboursement ne tombent heureusement pas le même jour. Il reste que le groupe doit aujourd’hui négocier un virage un peu compliqué.
DailyNord : Les salariés redoutent également la réputation du nouveau président du directoire, qui traine une réputation de casseurs d’emplois…
José-Maria Aulotte : On ne peut pas résumer Patrick Puy à un article paru dans Capital, aussi bon que ce soit le magazine. Le nouveau président du directoire a effectué une longue carrière dans l’industrie. Il a par exemple passé dix années chez Legrand, devenu le champion de l’appareillage électrique. Néanmoins, il reste de nombreuses choses à faire sur le site d’Arques. Sans parler à sa place, je ne reprendrai qu’une citation qu’il a prononcé la semaine dernière face aux 500 cadres auxquels ils s’est présenté : « Je ne viens pas faire la révolution, nous ne changerons pas de stratégie« . Il nous faut désormais travailler tous ensemble pour aller vite et fort, certainement réfléchir à d’autres actions pour préserver notre savoir-faire industriel et la logistique du métier. Une chose est sûre : le changement de direction mise sur la continuité.
L’intégralité de notre dossier « Arc International, une si longue descente aux enfers » :
Que se passe-t-il du côté de l’ex-cristallerie d’Arques ?
Mais comment en est-on arrivé-là ?
Portrait de Louis Colin, ancien salarié de la Cristallerie d’Arques : “On a gagné beaucoup d’argent”
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