Réalités Par Nicolas Montard et Stephane Dubromel | 28 mars 2013
REPORTAGE. Forcément, avec notre prisme de Nordistes, nous nous sommes beaucoup attardés sur la frontière entre le Nord – Pas-de-Calais et la Belgique avant de quitter notre « Terre Sainte ». Alors, avant de mettre le cap à l’est et de vous emmener sur d’autres routes de l’Hexagone, quelques derniers clichés de notre frontière. Commentés bien entendu. C’est « Le long de nos frontières disparues », épisode 3.
Rencontrer Eddy, c’est d’abord annuler tous ses rendez-vous de l’après-midi, car l’homme est intarissable. En haut de son Mont Noir – qui possède son propre télésiège !-, le bonhomme connaît la frontière sur le bout des doigts. Patron pendant sa vie professionnelle du café « Aux Touristes », désormais retraité, il affectionne cet endroit, toujours blindé le dimanche avec les visiteurs des alentours qui viennent humer l’ambiance frontalière des lieux, se rassasier en clopes, bières et plantes d’intérieur, dans une ambiance de fête foraine à ciel ouvert. Ça vaut le détour, au moins une fois dans sa vie. Peu d’entre eux le savent, mais, une fois les coffres pleins, en redescendant, à Bailleul, ils pourraient apercevoir l’une des plus célèbres aubettes du territoire : photographiée par Cartier-Bresson, elle a été restaurée il y a peu.
A Tourcoing, dans le quartier de la Marlière, d’importants travaux ont débuté il y a quelques mois. L’un des objectifs : rapprocher notamment la quatrième cité de la région avec sa mitoyenne belge de Mouscron. Car la frontière ici est paradoxale : Tourcoing possède 1,9 kilomètres de bordure avec Mouscron, mais jusqu’à maintenant un seul passage de l’autre côté. Les autorités municipales veulent y remédier afin que les deux villes arrêtent de se tourner le dos. En partageant des frites dans cette baraque posée sur la frontière ? A quelques kilomètres de là, Philippe Waret, passeur de mémoires roubaisien, se souvient d’une époque où les passages transfrontaliers étaient incessants : « Roubaix a culturellement profité de la frontière, même si la cité n’est pas frontalière géographiquement. La ville attirait de nombreux Belges à la fin du XIXème et du XXème siècle« . On la déclarait même ville où l’on trouvait le plus grand nombre de Belges par ascendance.
C’était il y a quelques années : le matin, en se levant le matin, les Français (nom des habitants de la Flamengrie) découvrent que la Marianne en bronze qui trônait sur l’une des places du village a été dérobée ! Un coup des Belges ? « Non, je ne pense pas, sourit Régis Grémont-Naumann, le maire. Mais c’était une Marianne spéciale quand même« . Tu m’étonnes : elle avait été offerte par la République reconnaissante aux habitants du patelin d’avoir voté à 100% pour le maintien de la République en 1888. C’est là aussi qu’ils avaient hérité du surnom de « Français ». Un comble pour ce village qui se dessine presque comme une presqu’île en territoire belge. Difficile d’ailleurs de s’y retrouver parfois entre un côté ou l’autre de la route. Sommes-nous en France ? Sommes-nous en Belgique ? Quarante-cinq bornes frontières permettent de se repérer tant bien que mal.
Gognies-Chaussée ou Goegnies-Chaussée ? Sans le « e », c’est le village français. Avec la voyelle, le village belge. Situé sur l’une des anciennes voies romaines, le village est coupé en deux par une frontière… invisible à l’oeil nu. Et dans les faits ? Elle existe, reconnaît l’équipe municipale français, mais sur le papier. Car ici, Français et Belges ont toujours grandi et vécu ensemble. Les manifestations sont d’ailleurs toujours internationales, comme le 11-Novembre : démarrage à l’Eglise, côté français, avant d’aller au cimetière belge. On repasse la frontière pour se recueillir devant le monument aux morts français, pour repasser côté belge devant l’autre monument. Dernière étape au cimetière français, avant le pot de l’amitié d’un côté ou de l’autre selon les années. Non loin de là, à Bettignies, un poste de douanes semblable à tant d’autres sur la frontière franco-belge : à l’abandon. Comme si, dans l’Europe d’aujourd’hui, il fallait effacer toute trace d’un passé douanier.
Nous étions forcément obligés de nous y arrêter : Macquenoise ou Courquain dans Rien à Déclarer. Ici, on a décidé de bien profiter de l’aura de sieur Dany Boon pour faire revivre ce poste frontalier, attire les chalands pour les bonnes affaires en cigarettes, alcool, chocolat, etc. Plusieurs magasins sont d’ailleurs disposés autour de la place, tenus par une même famille, les Tonglet (ici, Marianne). Au milieu, le poste de douanes, qui avait failli être démoli, revit grâce à un petit musée consacré au film. Au 31 décembre 2012, 37868 visiteurs étaient passés par Courquain, et 2868 visites guidées avaient été réalisées, selon la Société d’économie mixte qui gère les lieux. Dehors, dans la Petite Suisse du Nord, d’ailleurs située dans l’Aisne, Dany est presque partout. Une aubaine pour cette frontière.
Tous les reportages sont disponibles sur la page “Le long de nos frontières disparues”
La semaine prochaine, rendez-vous dans les Ardennes.
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