Article initialement publié le 6 août 2010.
DailyNord est plus ou moins en vacances… Pas d’actu, on ralentit le rythme. Logique. Pour nous, oui. Pour nos collègues de la presse quotidienne régionale, la galère est toute autre. Alors, on a décidé de leur rendre hommage avec cette petite journée imaginaire dans une petite locale de campagne imaginaire, un beau jour du mois d’août…
Un mois d'août. Pas d'actualité. Pourtant, vos journalistes localiers doivent trouver des sujets... Photo : Stéphane Dubromel.
9h : Le chef d’édition arrive au bureau avant tout le monde. Normal, il est chef. Première occupation, alors qu’il ne fait jamais ça dans l’année : ouvrir tout le courrier. Histoire de voir s’il n’y a pas un sujet qui va tomber du ciel lors de cette satanée journée qui s’annonce.
9h25 : Les deux autres journalistes sont arrivés. Trois seulement pour la journée ? Oui, on est en locale, de campagne, et en plus, l’autre moitié de l’effectif est en congés d’été. Pendant que les uns se dorent la pilule, les autres trinquent. La dure réalité de l’info.
9h30 : La réunion commence avec un café. Le chef d’édition demande à ses journalistes leurs idées de sujets. On entend voler les mouches. Le chef tape du poing sur la table. Le CDD (l’un des deux journalistes est un remplaçant d’été qui fait ses premières armes durant la période estivale), apeuré, se lance timide : « le centre aéré de Frévent… » Le chef soupire : « On l’a déjà fait la semaine dernière. Tu ne lis pas le journal ? Pour la peine, tu vas prendre ta voiture et aller faire un tour et me trouver quatre sujets. J’ai des trous dans mes pages. »
9h45 : Le CDD parti, le chef et l’autre journaliste réfléchissent. Que faire, que faire ? Puis, le journaliste (appelons-le Robert) se souvient d’une petite histoire dont il a entendu parler au café : deux voisins qui peuvent pas se blairer et qui maculent leurs linges respectifs de bière quand il sèche dans le jardin. Banco, ça fera la tête (le papier principal du lendemain). De toute façon, il n’y a rien d’autre.
10h : Le CDD (appelons-le Eric) est déjà en sueur dans sa vieille bagnole non climatisée prêtée par mamie pour l’été. Il cherche désespérement des sujets pour remplir son journal. Son futur de journaliste en dépend. Tiens, là, des travaux. Le vlà qui sort de son véhicule et qui prend en photo (très large, il a déjà compris que c’était mieux pour la maquette) le panneau avant de discuter un peu avec les ouvriers, surpris et ravis qu’on s’intéresse à leur métier.
11h45 : Robert enchaîne son troisième Ricard avec le deuxième voisin en bisbille, après avoir vu le premier. Ses notes se brouillent mais il a saisi l’essentiel du sujet. A. reproche à B. d’avoir reluqué le derrière de sa femme il y a quatre ans. Depuis, c’est la guerre et l’escalade, même si la femme de A. est partie depuis bien longtemps avec un dénommé C, un jeune homme de 18 ans.
12h42 : Ponctuel, le chef d’édition (appelons-le Etienne) sort se chercher une frite sur la place. Sur les cinq pages de son édition, une seule est montée, la page où il y a les horaires de ciné, de piscine, etc. Le reste est rempli avec des centres aérés, mais il reste des trous à combler. En relisant son chemin de fer, Etienne laisse tomber du ketchup sur sa chemise. « Tiens, ça fera un écho pour demain » se dit-il, content de lui.
13h45 : Robert est enfin sorti de sa querelle de voisinage. Le temps d’aller embrasser sa dame à lui (l’histoire du gamin de 18 ans l’a perturbé) et d’avaler vite fait un sandwich pour éponger les Ricard, le voici de retour au bureau. Réunion de crise avec Etienne : ils décident d’en faire une page complète. L’histoire en papier principal, un éclairage sur d’autres affaires du même type et un pied sur les sanctions possibles sur de tels agissements. « Laisse tomber pour les sanctions, dit Etienne. Eric va s’en occuper quand il fera la tournée des faits-div’. »
14h18 : Eric justement. Le vlà qui rentre au bureau. De plus en plus trempé de transpiration, mais il jubile : « chef, chef, j’ai quatre sujets ». Et il sort frénétiquement son appareil photo et ses notes : des travaux sur le chemin communal du patelin voisin, un mec qui faisait son potager, des enfants qui jouaient avec une canette car le ballon était crevé et le panneau d’une mairie taggué. Etienne, le chef, est ravi : « Allez, tu me tapes tout ça avant la tournée de faits-div’ »
16h30 : Eric a fini ses quatre papiers. Recordman ? Faut dire que c’est plutôt quatre brèves (des papiers très courts) avec de grandes photos. Etienne le félicite : « Bravo, petit. T’as des couilles mon gars. Tu fais la tournée ? » Pendant ce temps, Robert met un point final à son papier avec le titre : « La querelle de voisinage continue de mousser ».
17h : Eric fait la tournée des « sources ». « Non, mais vous avez pas un petit truc ? Un feu de friteuse, une dame qui s’est cassée la jambe ? On n’a rien à mettre. Et moi, je risque ma place. » Les « sources », soucieuses pour l’avenir du petit, lui filent toutes les affaires de la journée.
17h05 : Le chef d’édition (Etienne donc) trépigne d’impatience. Robert a fini son papier, mais le petit CDD doit finir la page. Et la deuxième page, celle des faits-div’ n’est toujours pas remplie. Alors quand Eric pousse la porte du bureau, c’est le soulagement. « Bon, t’as quoi ? » Et Eric déballe les six faits-divers glanés grâce à son numéro de petit CDD malheureux : un retroviseur de voiture rayé, un jeune interpellé avec un milligramme de cannabis, une vache qui a traversé la route ce matin, etc. Etienne souffle. De soulagement.
18h30 : Robert est parti depuis longtemps. « Bah, de toute façon, qu’il a dit, l’actu, je vais pas l’inventer, chaque jour suffit à sa peine. » Eric finit de remplir les pages sous le regard et le battement de pied d’Etienne.
18h45 : Le chef d’édition et le CDD quittent le bureau sous le soleil. Eric sait déjà que cette nuit, il aura rendez-vous avec le boulanger du coin. Pour un papier d’ambiances sur deux pages avec plein de photos. « T’inquiètes, ça va aller, lui glisse Etienne. Et si tu t’en sors bien, peut-être que tu seras embauché. » Eric sourit. Pas longtemps : avec la chaleur et les kilomètres de la journée, la voiture de mémé vient de rendre l’âme. Du coup, comme il faut qu’il soit chez le boulanger en pleine nuit, il prend une chambre d’hôtel. Hôtel vide. Comme l’actu. Le prix d’une carte de presse.
Histoires plus ou moins vécues et évidemment exagérées… Et on souhaite bon courage à nos confrères des locales…
Ce contenu est © DailyNord. Si cet article vous intéresse, vous pouvez reprendre un extrait sur votre site (n’excédant pas la moitié de l’article) en citant bien évidemment la source. Si vous désirez publier l’intégralité de l’article, merci de nous contacter »
Réagir à cet article
La rédaction de DailyNord modère tous les commentaires, ce qui explique qu'ils n'apparaissent pas immédiatement (le délai peut être de quelques heures). Pour qu'un commentaire soit validé, nous vous rappelons qu'il doit être en corrélation avec le sujet, constructif et respectueux vis-à-vis des journalistes comme des précédents commentateurs. Tout commentaire qui ne respecterait pas ce cadre ne sera pas publié. Evidemment, DailyNord ne publiera aucun contenu illicite. N'hésitez pas à avertir la rédaction à info(at)dailynord.fr (remplacer le "at" par "@") si vous jugiez un propos ou contenu illicite, diffamatoire, injurieux, xénophobe, etc.