DailyUne | Petite histoire Par Nicolas Montard | 08 mai 2011
Et Bruno Dumont récidive. Une nouvelle fois, l’une de ses oeuvres se retrouvera projetée lors du Festival de Cannes. Dérangeante ? Certainement, quand on a vu les précédents opus du bonhomme. Natif de Bailleul, Bruno Dumont reste d’ailleurs un homme mystérieux. Un peu torturé aussi. Ça valait bien un Google Portrait.
A vrai dire, on aurait pu aussi bien tenter l’interview du cinéaste. Après tout, pourquoi pas ? Sauf qu’ à parcourir le web, on s’est dit que nous n’étions peut-être pas au niveau pour comprendre le bonhomme. L’Express, il y a quelques années, lui posait une question a priori toute simple : « Qu’avez-vous lu ? » Extraits de la réponse : « Lorsque j’ai commencé à travailler sur Flandres, j’ai certainement été influencé par Platon et Schopenhauer, qui constatent l’impossibilité dans la réalité d’une quelconque vérité. Comme eux, à mon niveau, j’essaye avec les instruments du cinéma de chercher la vérité au-delà des apparences, je cherche à atteindre la simplicité. En revanche, je suis sceptique sur toute la sociologie contemporaine, basée sur la constatation et la comptabilisation des faits. » Vous comprenez que nous n’ayons pas cherché plus loin le contact, histoire de ne pas se ridiculiser.
Il faut dire qu’avant d’être cinéaste, Bruno Dumont n’a pas le parcours du cartésien idéal. Né à Bailleul à l’heure où la Cinquième République renverse la Quatrième (un lien de cause à effet ?), l’homme, issu d’un milieu bourgeois, qui a raté le concours de l’Institut des Hautes Etudes Cinématographiques, commence à enseigner… la philosophie à Lille et Roubaix, mais « les petits bourgeois l’emmerdent ». Alors, il prépare déjà son futur en réalisant une quarantaine de films de commandes très terre à terre. Avant de réussir à percer avec son premier long-métrage, La Vie de Jésus, primé Jean-Vigo en 1997. Ce qui lui vaut les honneurs d’un Libération qui avait encore quelques pages à lire, mais quelques clichés à revendre sur la ville de tournage, Bailleul : « rangées de briques rouges sans joie, vies au ras d’une campagne suintant l’ennui et la solitude ». On a connu pire que Bailleul dans le Nord, mais bref, ce qui nous intéresse c’est le réalisateur. Et déjà, il n’est pas facile, note, à l’époque, son attachée de presse : « Il s’est assoupli, il sourit maintenant. »
S’il n’avait pas de talent, peut-être que son attitude et ses réponses en énerveraient plus d’un. Mais voilà, Bruno Dumont, à lire les quelques interviews et portraits qui traînent sur lui, derrière son côté mystérieux, a aussi un petit côté attachant. « Ma culture livresque, la philo ne m’ont conduit à rien. Je me suis débarrassé de tout ça, je souhaite tout recommencer de zéro », n’hésite-t-il pas à déclarer. Avant d’y aller franco dans regard sur sa vision du cinéma : « Je ne pouvais donner à Daniel Auteuil le rôle de Pharaon dans L’humanité . Quand Yves Montand joue du Pagnol, il peut faire ce qu’il veut, je n’y crois pas. Comment des acteurs aussi riches peuvent-ils jouer des personnages aussi pauvres ? La représentation des milieux populaires se situe plutôt à la marge. C’est Robert Guédiguian dans le Sud, moi dans le Nord, les frères Dardenne en Belgique » (Regards). C’est pour cela que quasiment à chaque fois, il choisit des acteurs non professionnels, issus du coin où il tourne. En les laissant replonger ans les abîmes, comme le note Libération quelques années après La Vie de Jésus. Le quotidien retrouve l’acteur principal. SDF dans les rues de Lille. Dumont, qui assure avoir voulu l’aider, balaie également les critiques : «C’est parce qu’il est ce qu’il est que je l’ai choisi. C’est ma liberté de cinéaste, Mon cinéma est à la marge, comme lui. Ils (mes acteurs) passent à travers mes films et ça ne change pas leur identité sociale.»
Etrange Monsieur Dumont, qui apparaît plutôt sympathique dans les interviews vidéo traînant sur le net (voir ici par exemple, image de la page d’accueil d’ailleurs extraite de cette interview). Reconnu par ses titres (Grand Prix de Cannes pour L’Humanité et Flandres à Cannes), assez étranger au grand public. D’ailleurs, sa page Facebook ne compte que 352 fans (sieur Dany en a 116 000, mais en même temps n’est pas la personnalité préférée des Nordistes qui veut). Faut dire qu’il n’y met pas du sien. Certains internautes lui écrivent, il ne daigne pas répondre. Même quand ils lui annoncent des accidents de la vie : « c’est philippe allias joseph dans l’humanité. j’espére ke tu va bien ;moi g eu un traumatisme cranien ;g passer par une belle porte ;mes g encore un peu de probléme de mémoire .vla c’est juste pour te faire un petit coucou.amitié. »
Bruno Dumont, un cinéaste à la marge donc. Franc comme quand on lui demande au Blanc-Mesnil, le rapport entre son film et le titre qu’il a choisi : « Continuez de chercher ». Un peu sadique comme sur le tournage de Hadewijch: « « Il y avait un conditionnement par des moyens physiques. Je la faisais courir pour la fatiguer (…) Un jour, Julie s’est tordu la cheville, elle avait mal, elle s’est mise à pleurer en passant devant la caméra. J’ai filmé et cette scène qui n’était pas prévue a été reprise dans le film. ». Et finalement très doué. On le retrouvera encore au Festival de Cannes avec son dernier film Hors Satan, dans la sélection Un Certain Regard. D’ailleurs, Le Monde vient d’annoncer la couleur : « le film arrive précédé d’une réputation de pureté radicale, sans parole ». Du Dumont.
Quelques Google Portraits de DailyNord :
Patrick Kanner, cet illustre inconnu
Mais qui est Audrey Linkenheld, l’inconnue d’Aubry ?
Christian Vanneste : né un 14 juillet
Fernand Duchaussoy sous l’oeil de Google Brother
Mais qui sont les femmes panthères ?
Ce contenu est © DailyNord. Si cet article vous intéresse, vous pouvez reprendre un extrait sur votre site (n’excédant pas la moitié de l’article) en citant bien évidemment la source. Si vous désirez publier l’intégralité de l’article, merci de nous contacter »
Réagir à cet article
La rédaction de DailyNord modère tous les commentaires, ce qui explique qu'ils n'apparaissent pas immédiatement (le délai peut être de quelques heures). Pour qu'un commentaire soit validé, nous vous rappelons qu'il doit être en corrélation avec le sujet, constructif et respectueux vis-à-vis des journalistes comme des précédents commentateurs. Tout commentaire qui ne respecterait pas ce cadre ne sera pas publié. Evidemment, DailyNord ne publiera aucun contenu illicite. N'hésitez pas à avertir la rédaction à info(at)dailynord.fr (remplacer le "at" par "@") si vous jugiez un propos ou contenu illicite, diffamatoire, injurieux, xénophobe, etc.