DailyUne | Rebrousse-poil Par Nicolas Montard | 31 janvier 2011
Les sources du journaliste. L’un des grands mystères de la profession. Qui peut bien accepter de parler au journaleux en quête d’informations ? Vous allez être déçus : on n’a pas le droit de vous le dire. Allez si, comme on est de bonne humeur. La meilleure source du journaliste, c’est le commerçant. Car le commerçant a toujours quelque chose à dire. Sur tout. Et a souvent plus d’une petite polémique au fond de sa caisse enregistreuse. Hommage.
Mois de novembre 2010. Votre serviteur se trouve sur la frontière belge et passe par Le Bizet, vaste supermarché frontalier de clopes, bières, et tutti quanti. Comme il est pressé, il n’a pas le temps de s’y arrêter. Mais son oeil averti remarque que quelque chose cloche. Deux journalistes, dont un caméra sur l’épaule, devant une boulangerie. Pour parler de la journée du boulanger à cinq heures de l’après-midi au Bizet ? Ça nous étonnerait. En ouvrant le journal le lendemain, on en aura la confirmation : si les caméras étaient devant la boulangerie, c’était que l’affaire Younès (l’enfant retrouvé mort fin 2009) venait de connaître un ultime rebondissement : les parents étaient emmenés en garde à vue.
Le rapport avec le boulanger (ou la boulangère) ? Impliqué dans l’histoire ? Pas exactement : le boulanger n’a rien à y voir. Simplement, il est boulanger au Bizet et du coup, comme souvent dans pareil cas, il est l’interlocuteur idoine (avec le voisin, mais lui fera l’objet d’un hommage ultérieur). Parce qu’il s’y connaît ? Non, parce qu’il donne la caution humaine au fait-divers. Le mec qui n’a rien à voir, mais qui forcément est touché par l’événement qui s’est déroulé à deux pas de chez lui (qui ne le serait pas ?). Et c’est bien plus simple d’entrer dans la boulangerie, la boucherie ou le café pour avoir des témoignages de pékins moyens. Les commerçants sont sympas (par essence), ils ne vous mettent pas dehors (enfin, ça arrive quand même). Tandis qu’arrêter quelqu’un dans la rue, c’est un peu plus compliqué. « Je n’ai pas le temps », « je ne veux pas parler de ça », etc, etc. Du coup, on l’a compris. Lors d’un fait-divers, entrer chez le commerçant est un gage de bon papier : quelques phrases peinées et un regard d’expert. Ben oui, le commerçant connaît forcément les personnes concernées ou quelqu’un qui connaît quelqu’un qui connaît…
D’ailleurs, il n’y a pas que lors d’un fait-divers que l’on peut interroger le commerçant. Souvenez-vous de notre papier Août, le mois le plus chiant de l’année ou la galère du localier. Quand le localier (ou le journaliste en général) est en panne d’inspiration, où aller ? Chez le commerçant bien entendu ! Car notre homme (ou notre femme) a toujours quelque chose à dire. D’abord, si vous avez de la chance, il va avoir quelque chose à dire sur sa propre activité : une nouvelle recette, une extension, une baisse d’activités, etc. Normal, une entreprise, ça vit, une boulangerie-boucherie-café aussi. Puis, si jamais vous ne voulez pas trop parler du commerçant (pour ne pas faire de publicité, faudrait quand même pas exagérer), vous pouvez néanmoins aller le voir. La dernière polémique sur le stationnement payant ? Les crottes de chiens qui parsèment les trottoirs de la ville ? L’augmentation du prix du gaz ? Le commerçant est là pour vous, apprenti journaliste (parce qu’on envoie souvent les jeunes journalistes se coltiner le commerçant) : il a un avis sur tout (sauf parfois sur les sujets ultra-sensibles, histoire de ne pas froisser la clientèle). Ben oui, il est l’un des personnages centraux de la ville et en plus il en voit passer du monde. « Un monsieur, l’autre jour, il m’a dit qu’il avait failli se casser la jambe en glissant sur une de ces satanées crottes de chiens ! Un octogénaire, vous imaginez, s’il finit à l’hôpital ! » Banco, ça finira dans le papier, une belle citation, même si elle est de seconde main et invérifiable vu qu’on ne connaît pas le papy râleur. En même temps, on ne parle que de crottes de chiens…
Bon, bien sûr, il y a quand même des précautions à prendre avant d’aller interroger le commerçant. Là, ça dépend de vos ambitions. Car s’il y a du monde, le commerçant ne pourra pas vous répondre, clientèle oblige. A moins que vous ne vouliez provoquer le débat avec les clients justement, histoire d’avoir plusieurs avis. Là, honnêtement, il vaut mieux choisir le café, prompt aux rencontres alcoolisées et aux interlocuteurs bavards qui, de toute façon, ne se souviendront pas vous avoir parlé. D’ailleurs, faut qu’on vous laisse. On doit aller à la boulangerie chercher le sujet de demain.
Crédit photo Une : Roby Wikimedia Commons
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Le boulanger pour les localiers c’est l’équivalent de l’omniprésent “chauffeur de taxi” pour le grand reporter, une source incontournable pour tater le pouls de la population locale enre l’aéroport et l’hôtel !
C’est vrai ça, les commerçants sont sympa ! Surtout quand ils achètent des espaces publicitaires.