DailyUne | Réflexions Par Nicolas Montard | 03 octobre 2010
Affaire d’Outreau, affaire de Bruay-en-Artois, affaire de Villers-au-Tertre. Point commun ? Le Nord – Pas-de-Calais évidemment. Mais aussi un fait-divers qui porte le nom de la ville ou du village où il s’est déroulé. Si pour les deux premiers cités, les raisons sont plutôt claires, pour la troisième commune, l’appellation du fait-divers est plus étonnante. Décryptage.
Parlez à grand papa de Bruay-la-Buissière, pas sûr qu’il connaisse. Bruay-en-Artois en revanche, ça lui dit quelque chose. Plus que quelque chose même. 1972 : découverte du corps d’une jeune fille de mineur. Mise en examen d’un couple de notables, un notaire et sa maîtresse. Innocentés par la suite, mais leur appartenance à la bourgeoisie transforme l’affaire criminelle en affrontement social. L’affaire de Brigitte Dewèvre (l’adolescente assassinée) devient l’affaire de Bruay-en-Artois, immortalisée il y a peu par un film et décryptée encore par un livre, cette année. Pourtant, sur les cartes de France, dans les annuaires, plus de trace du patelin. La faute ou grâce à une fusion opportune en 1987 de Bruay-en-Artois avec sa voisine de La Buissière. Conjonction : Bruay-la-Buissière. Pour des motifs qui n’ont rien à voir avec l’affaire nous ont seriné les édiles locaux… Sauf que c’était très opportun : balayer le passé d’un coup d’état-civil, c’était quand même le bon plan…
Juillet 2010. En pleine torpeur estivale, le village de Villers-au-Tertre se réveille sous le signe de l’horreur et de l’invasion médiatique. L’objet de toutes ces attentions ? La découverte de cadavres de nouveau-nés dans un jardin et une maison. Rapidement, les anciens propriétaires sont mis en cause et la mère, Dominique Cottrez passe aux aveux. De quoi déclencher une affaire Cottrez à l’instar d’une affaire Courjault (des nouveau-nés retrouvés mort en Corée du Sud) ? Pas exactement : les appellations divergent, mais ce fait-divers devient l’affaire de Villers-au-Tertre, voire l’infanticide de Villers-de-Tertre ou l’affaire des bébés de Villers-au-Tertre. Et très rarement une affaire Cottrez. Pas une très bonne publicité pour ce village tranquille du Douaisis qui attire les curieux et les médias.
Etrangement, si dans l’affaire de Bruay-en-Artois ou l’affaire d’Outreau, on peut comprendre pourquoi le nom du fait-divers est devenu celui de la commune, à Villers-au-Tertre, ça ne colle pas. Et ça interpelle notamment Philippe Robert, sociologue bien connu du crime et des déviances : « Il est vrai que généralement, quand une commune est associée à un fait-divers, c’est du fait d’une rumeur (ou de rumeurs) ou la multiplicité des protagonistes quand une personne n’émerge pas suffisamment du lot. Pour Villers-au-Tertre, c’est en effet étonnement différent. Peut-être qu’un journaliste pourrait vous donner plus d’infos ? » Mais là encore, pas de vérité sur le pourquoi du comment, quand on interroge un fait-diversier de la région : « Je pense que pour Villers-au-Tertre, on a donné ce nom car le village est tout petit (600 habitants). Du coup, tout le monde là-bas s’y est senti concerné : on n’aurait jamais écrit « l’affaire de Lille » si ça avait eu lieu à Lille par exemple. » Avant de lâcher une raison purement journalistique et esthétique : « Ecrire l’affaire de l’octuple infanticide », c’est peut-être moins joli ! ». Le maire du village concerné, lui, délivrait aussi un embryon d’explication au détour d’une interview dans La Voix du Nord il y a quelques semaines : « Dans l’affaire Courjault, on a retenu le nom d’une famille qui n’avait pas d’attaches et vivait en Corée. Là, c’est vrai qu’on associe l’affaire à Villers parce que tout s’est passé ici. C’est comme pour l’affaire de Bruay-en-Artois, on ne décide pas. »
Ça ne se décide pas en effet. Reste donc qu’aujourd’hui, Villers-au-Tertre est désormais associé au fait-divers. Pour longtemps ? Difficile à savoir, même si Philippe Robert avoue que le fait que ce soit une petit village n’aidera pas forcément à l’oubli. D’ailleurs question oubli, avec le Big Brother Google, c’est désormais difficile : le 29 juillet à 12h04, soit quelques heures après les premières fuites dans la presse, Wikipedia postait déjà une première modification dans la notice de Villers-au-Tertre. Et tapez Outreau sur Google pour vous faire une idée quelques années après : l’affaire arrive bien en tête.
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Journaliste à L’Observateur du Douaisis (un des premiers médias sur cette affaire), je peux affirmer que nous avons presque toujours parlé d’affaire Cottrez et quasiment jamais d’affaire de Villers-au-Tertre. Peut-être en raison de la proximité géographique. Peut-être aussi parce que contrairement à Outreau, il n’y a qu’une seule personne impliquée qui incarne l’horreur de la découverte…