DailyUne | Réflexions Par Nicolas Montard | 25 mars 2010
La poussière des corons, Le coeur en Flandre, L’oubliée de Salperwick, La courée, etc. Point commun de ces bouquins ? Vous l’avez deviné : le Nord – Pas-de-Calais. Ecrits tantôt par Annie Degroote, tantôt par Marie-Paul Armand, deux des écrivains les plus en vues de la région. Enfin, c’est une façon de voir les choses, car nos deux représentantes sont rangées dans la catégorie roman du terroir. Le régionalisme apprécié des lecteurs mais encore dépeint comme ringard, notamment par la toute-puissante critique. A l’occasion du Salon du Livre, qui débute à Paris ce vendredi, DailyNord a donc souhaité comprendre pourquoi elles avaient choisi la voie du terroir.
[singlepic id=1083 w=320 h=240 float=right]Qu’est-ce que tu lis en ce moment ? Oh, je me délecte de la dixième relecture des Mémoires d’Outre-Tombe de Chateaubriand. Ou je découvre le dernier Houellebecq. Moi, je préfère Denis Lehane. Moi, c’est Annie Degroote. Cherchez l’erreur : on vous aide, vous pouvez remplacer Annie Degroote par Marie-Paul Armand. Vous avez compris ? Bien, pas trop long à la détente : à première vue, lire un auteur du terroir, c’est ringard.
Et pourtant. Marie-Paule Armand et Annie Degroote, deux de nos écrivains régionaux « du terroir » n’ont rien à envier aux autres écrivains. Leurs bouquins font une quinzaine de milliers d’exemplaires en moyenne en première publication chez Terres de France, des Presses de la Cité (vous pouvez rajouter ensuite les Poche, les Pocket, les France Loisirs, ce qui fait doubler, voire tripler, voire quadrupler la moyenne si ce n’est plus). Pour info, la moyenne du roman français est de 6 000 exemplaires. Cherchez encore l’erreur.
Ça a en tout cas le don de faire sourire Annie Degroote, Hazebrouckoise exilée à Paris : « L’attitude change petit à petit mais c’est vrai qu’il est difficile de parler de nos romans. En tout cas d’en faire parler dans la presse parisienne. C’est étrange, parce que la plupart des personnes sont originaires de la province… » Un avis partagé par Marie-Paule Armand qui n’y va pas par quatre chemins pour qualifier le mépris supposé envers ses bouquins : « C’est du parisianisme, je n’ai jamais fait attention à ça. Ça ne va pas changer maintenant. » Deux auteurs sur la même longueur d’ondes et leur éditeur commun alors, Denis Bourgeois ? « Il y a toujours cette condescendance du Parisien par rapport au provincial. Et ça perdure dans la littérature. Mais on continue à envoyer nos livres aux critiques. Parfois, l’un d’eux le lit. Et nous dit ‘Ah, celui-là, il était pas si mal’… »
Durs, durs les clichés sur les romans du terroir. Mais finalement, cela n’empêche pas nos deux représentantes régionales de continuer à surfer sur le succès car, loin du battage médiatique, le secteur du « roman régional » est porteur et pas seulement réservé aux retraités, image d’Epinal qui pouvait encore traîner il y a quelques années. Mais pourquoi prendre pour cadre d’écriture le Nord – Pas-de-Calais ? Annie Degroote d’abord. La comédienne a publié son premier roman, La kermesse du diable, en 1994. « Ça m’est venu très naturellement. J’étais à Paris. La distance crée peut-être l’envie de redécouvrir la région. Et mes romans ont eu souvent pour cadre le Nord – Pas-de-Calais. » Avec une dimension historique car l’auteur remonte dans le temps et nous offre quelques épopées à travers les siècles. Mais à part l’unité de lieu (bien que ses romans ne se passent pas tous dans le Nord d’ailleurs), elle assure explorer les thèmes habituels de la littérature : les failles des personnages, les amours impossibles. Bref, du grand classique. Comme pour Marie-Paul Armand. Elle vit toujours dans le Nord, une petite ville dont elle préfère taire le nom. 1985, elle publie La poussière des Corons. Hommage à son grand-père mineur. Depuis, ses treize bouquins se passent dans le Nord et traitent de mineurs, de paysans, etc. « J’aime bien ma région, j’aime bien en parler, pourquoi je m’en priverais ? »
[singlepic id=1081 w=320 h=240 float=right]Pourquoi s’en priveraient-elles en effet ? On l’a dit, les ventes de leurs ouvrages sont bonnes. Mieux que la moyenne. Et – étrangement ou non ? – leur lectorat n’est pas uniquement celui de la région. Bien au contraire : « J’ai beaucoup de lecteurs dans le Midi, dans l’Ouest ou l’Est par exemple, reprend Annie Degroote. Je ne vends qu’à 25% dans la région. Les lecteurs apprécient c’est le côté humain. Et certains viennent dans la région et découvrent les lieux dont je parle. » Et l’Hazebroucko-Parisienne de citer l’exemple d’un lecteur qui a visité les marais de Saint-Omer après avoir lu L’oubliée de Salperwick. Même sentiment pour Marie-Paul Armand qui sourit quand on la qualifie d’ « ambassadrice du Nord ». « Oui, si vous voulez. C’est vrai que des lecteurs me remercient de le faire découvrir la région. »
Quelque peu ringard dans l’esprit des élites – « pas chez mes collègues écrivains » précise Annie Degroote – et populaire, voici donc le difficile équilibre du roman dit du terroir. Même si devant le succès des ventes qui ne se dément pas, le regard évolue petit à petit. « Le roman du terroir a toujours bien marché. Il marche toujours bien, reprend l’éditeur Denis Bourgeois. Les livres que nous publions sont bien troussés, ils n’ont rien à envier à d’autres. » Loin des paillettes, bien dans les bibliothèques, finalement. Et, comme on aime bien le terroir, on donnera le mot de la fin à Annie Degroote : » Ces a-prioris, je m’en fiche, j’écris tout simplement des histoires, et si elles touchent mes lecteurs, j’en suis heureuse. »
Annie Degroote (en photo) publie d’ici quelques semaines « Les Jardins du vent aux Presses de la Cité ». Son site personnel et celui de l’éditeur où l’on retrouve également les livres de Marie-Paule Armand. Le site du Salon du livre de ParisCe contenu est © DailyNord. Si cet article vous intéresse, vous pouvez reprendre un extrait sur votre site (n’excédant pas la moitié de l’article) en citant bien évidemment la source. Si vous désirez publier l’intégralité de l’article, merci de nous contacter »
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