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Pourquoi je ne suis pas allé voter dimanche

Mouchard Par | 22 mars 2010


Le projecteur est braqué sur lui depuis huit jours. L’abstentionniste. Ou plutôt les abstentionnistes, tant les formes de la non participation sont sans doute diverses et variées. Fort légitimement, on ne parle que d’eux, mais eux, en revanche, on ne les entend pas s’exprimer. Pour cette raison, nous publions cette contribution de lecteur – c’est aussi la vocation du Mouchard, on le rappelle au passage – démontrant combien l’abstention n’est pas seulement un pur désintérêt mais peut aussi être un choix parfois enraciné et volontiers critique.

Je suis un abstentionniste. Un de ces 1,4 millions d’électeurs ayant boudé les urnes, à nouveau, dimanche. La légitime majorité silencieuse issue de ce scrutin et pourtant dépourvue de tout représentant. Et je me félicite du résultat. De voir mon « parti », sans leader, sans propagande (ou communication en langage politiquement correct), gagner des voix élection après élection. Par sa seule force d’inertie. Car je suis un abstentionniste de conviction.  » Un abstentionniste critique » comme on l’entend dire depuis une semaine. Une abstention réfléchie aussi, et non inconsciente comme on l’entend dire parfois, comme on le laisse entendre souvent.

Aux yeux des politiques, je n’ai aucune excuse : à la différence des fils de Madame Lagarde, je connais bien « le mille feuilles » des collectivités. Oui, bien sûr, j’aurais pu me déplacer jusque mon bureau de vote du Pas-de-Calais, dimanche, et glisser une enveloppe vide dans l’urne. A quoi bon tant que le vote blanc ne sera pas considéré l’égal des autres, tant qu’il ne sera pas pris en compte dans les suffrages exprimés ? Ils étaient plus de 50 000, dimanche à voter blanc. Personne n’a parlé d’eux. Illusoire de croire que leur vote pourrait un jour bénéficier d’un meilleur traitement, tant la proportion des bulletins blancs risquerait de mettre en lumière la faible représentativité de ceux qui nous gouvernent.

Je suis un abstentionniste convaincu, j’ai dit. Et cette conviction se fonde sur mon refus de l’actuel système partisan. On veut y voir un outil de la démocratie, j’y vois au mieux une déviance. Parce que ces partis n’ont pour ambition que de conquérir un pouvoir et de s’y maintenir une fois en place, reléguant l’intérêt général au second rang dans le meilleur des cas. Cette foi en l’abstention loin de s’étioler avec l’âge s’est raffermie. Ebranlée une seule fois en 2002, lorsque le Front national a surgi au second tour. On a alors parlé de « séisme politique ». Un séisme dont chacun, la main sur le cœur, disait qu’il prenait alors toute la mesure. Qu’il agirait en conséquence. Belles paroles de circonstance. Car on a continué à construire à l’identique, les principales fédérations se contentant d’engranger le flot de nouvelles adhésions sans bouleverser quoi que ce soit. Les élections qui ont suivi en ont apporté l’éclatante preuve. En guise d’illustration, je retiendrais ce référendum sur le traité constitutionnel européen en 2005. Pour ou contre, peu importe : je reproche au système partisan de l’avoir travesti, d’avoir détourné la question originelle. J’évoquerai encore la présidentielle de 2007 et les promesses désormais ternies de faire de la politique autrement.

Mais l’abstentionniste que je suis n’est cependant pas quelqu’un de désillusionné comme on le dit souvent. Au contraire, cette hausse de l’abstention nourrit quelques espoirs. Parce qu’avec un électeur sur deux boudant les urnes, les partis ne pourront plus l’ignorer bien longtemps. Quelle est la représentativité aujourd’hui des élus issus des urnes hier ? On parle de confortable victoire pour Daniel Percheron : seul un électeur inscrit sur 4 a voté sur lui. Quelque 700 000 personnes dans une région de 4 millions d’habitants. Je suis naïf peut-être. Mais, un jour peut-être, au travers de cette prise de conscience apparaîtront de nouveaux leaders portés non pas par ce système partisan, mais par de nouveaux canaux, comme le net (oui, je sais, je m’emporte un peu…). Même si j’entrevois des dangers dans ces nouveaux canaux, j’y vois aussi une source d’espérance.

Enfin, je terminerai là-dessus. A ceux qui, systématiquement après une élection, me montrent du doigt en me rappelant que nos aïeux se sont battus pour obtenir ce droit de vote. Que voter n’est pas juste un droit mais aussi un devoir, que mon abstention met en péril la démocratie… Bref, je leur rétorque qu’au contraire, cette abstention est une expression de la démocratie. En ce sens,  elle constitue un test pour mesurer sa capacité à se dépasser…


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1 Commentaire

  1. A ce sujet, je rejoins la prose de Pascal Cobert (à voir là : http://pascal.cobert.over-blog.com/article-abstention-piege-a-c-47198804.html).
    Pour revenir au papier développé ci-dessus, tout n’est pas à jeter mais de là à avancer que l’abstentionnisme est une expression de la démocratie… Il a mangé un clown mort le mouchard ? Bon, je ne veux pas contrarier son régime alimentaire parce que j’ai été confronté moi-même au dilemme en 2002 lors du 2e tour des présidentielles avec ce score stalinien de Chirac face à Le Pen. Aucun sens ! J’aurais dû suivre ma première impression en écoutant Laguillier. Par contre, je ne regrette absolument pas d’avoir participé au succès écrasant du non au référendum européen de 2005 avec le déni que l’on sait. D’abord parce que c’est toute la gente médiatique nationale et régionale qui se prenait un coup de pied au fondement tout comme la classe politique influente. Pour les premiers, la leçon a glissé comme un pet sur une toile cirée et comme par hasard, la presse est devenue aussi vaillante qu’un pays hellène surendetté. Pour les seconds, toutes tendances confondues qui ont craché au visage d’une opinion plus que majoritaire, ils ont clairement dévoilé leurs méthodes de gouvernance et affiché un courage politique qui ferait exploser les ventes de couches Confiance. Alors oui, le mépris limpide envoyé à mon vote est une reconnaissance inespérée, celle de l’imposture politicarde et de l’impéritie des médias. On se console comme on peut.
    Enfin, je rejoins le mouchard concernant le vote blanc et sa prise en compte. C’est ce que je choisirais certainement en 2012 s’il faut de nouveau choisir entre un crétin dangereux et une imbécile heureuse. Mais j’irais voter. Par respect pour ceux qui s’investissent sincèrement dans leurs mandats politiques (si, si, il y en a. De tous bords. Pas beaucoup, mais il y en a).

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