La Gueule de l’emploi. Le nom accroche. D’autant plus dans l’univers très policé (pour ne pas dire lisse) du recrutement et de l’emploi. Portée par l’association lilloise Symbole (créée en 1996), lagueuledelemploi.fr propose des CV vidéo en ligne. Pas des séquences réalisées avec le téléphone portable, mais plutôt des vraies vidéos soignées dans leur réalisation et leur montage. A contre-courant du CV anonyme, la Gueule de l’emploi y voit un outil pour lutter contre les discriminations et favoriser la diversité au sein de l’entreprise.
Jingle, on fait les présentations. Jingle, on évoque son expérience, son parcours. Re-jingle, on glisse quelques mots sur soi… Pas de modèle type, chaque CV vidéo est unique. Le format se veut dynamique, court (1min 30 en moyenne) et pro. Je vous vois venir, vous allez me dire que la Gueule de l’emploi n’a rien inventé avec ses CV vidéo. Vrai. Dans la discipline, des sites à l’instar de CVLive.com – pionnier en la matière – en ont même fait leur spécialité. Voilà bien trois à quatre ans qu’on en parle. A grands coups de buzz et d’exemples de ce qu’il faut faire ou de ce qu’il ne faut pas faire. Car si les vertus du CV vidéo sont régulièrement louées dans notre société 2.0 au détriment des CV et lettres de motivation plus ou moins stéréotypées, la vidéo est aussi une arme à double tranchant qui peut s’avérer hautement contre-productive (voir ce fort bel exemple de loupé devenu un classique du web). Non, la Gueule de l’emploi n’est sûrement pas nouvelle sur ce créneau. Mais elle affiche sa différence. « Je n’ai pas le regard d’un professionnel de l’emploi », explique Youcef Adjadj, responsable du projet. Ce trentenaire préfère adopter une approche purement publicitaire : après tout ne s’agit-il pas de vendre un candidat ?
La démarche sous entend naturellement un soin tout particulier apporté aux vidéos. Ici, pas question de réaliser son clip avec sa webcam ou son Iphone pour le balancer ensuite sur le net. Son HD, image HD et une réflexion sur la « rythmique et la mélodie des phrases »: Youcef évoque des moyens tout ce qu’il y a de pro. Chaque candidat est chouchouté : un premier rencart pour faire connaissance et rédiger un scénario, quelques jours accordés au candidat pour apprivoiser le texte et un deuxième rendez-vous pour tourner le CV vidéo -avec prompteur s’il vous plaît !- dans un studio de Lille. Le parcours est scénarisé et parfois assorti de questions telles qu’elles pourraient surgir lors d’un entretien d’embauche. Au-delà de la forme, Youcef et les demandeurs d’emplois travaillent aussi sur le fond. Bien sûr, il y a les incontournables. Dans leurs vidéos, les candidats évoquent les précédents postes, les diplômes, leurs compétences… Classique. Mais 90 secondes (en moyenne), ça donne aussi le temps de dire d’autres choses. De raconter son métier, de glisser quelques mots sur soi, sur ses passions pour convaincre un recruteur. « Les recruteurs sont friands d’anecdotes car elles révèlent davantage la personnalité du candidat. » Et ces quelques lignes généralement placées en bas du CV au chapitre « centres d’intérêts » prennent ici une autre signification.
Actif depuis septembre, le site héberge à l’heure actuelle une quarantaine de CV. Patience. Car le site devrait s’enrichir prochainement d’autres candidatures et s’ouvrir à d’autres territoires que le Nord – Pas-de-Calais : en particulier Marseille et la région Ile-de-France. Un CV vidéo, c’est très bien, cela donne une touche de modernité, mais en termes de résultats ? Selon le responsable du projet, quelque 30% ont dégoté « une solution positive ». Comprendre un CDI, un CDD, un contrat de qualif, etc. Forcément, on va penser qu’à l’époque du CV anonyme, la version vidéo renforce les discriminations. Le responsable du projet exprime un avis contraire : « Un entretien d’embauche ne sera jamais anonyme. Il vaut donc mieux afficher la couleur tout de suite : ce que tu caches est une faiblesse, ce que tu montres, une force ! « D’ailleurs, l’association Symbole y voit un outil de lutte contre les discriminations à l’embauche. Et pas seulement les discriminations ethniques comme on a souvent tendance à se les figurer en France. Discriminations à l’encontre des femmes, des vieux, des personnes handicapées, etc. Aucun profil type n’est requis : parmi les candidats reçus par l’association Symbole et envoyés par les MIE (Maison de l’insertion et de l’emploi) de Roubaix et de Lille, on trouve du diplômé, du sans diplôme, du jeune, du moins jeune, du public éloigné de l’emploi… Tiens, on pensait que le site était dévolu aux demandeurs d’emplois issus de la diversité ? « Lorsqu’on fait le calcul, 80% de la population est issue de la diversité. L’idée est de neutraliser cette question de la diversité. » Comment ? En cassant au moyen de la vidéo, les représentations figées qu’un recruteur peut se faire par exemple d’un jeune issu de la diversité.
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