DailyUne | Petite histoire Par Ch. D. | 03 février 2010
Et aussi des bureaux, des résidences étudiantes, en fait tout ce que l’on veut. Mon tout réalisé à partir de ces boites métalliques telles qu’on peut les voir dans les ports, sur les trains ou sur les routes. Architecte installé à Lesquin (Lille), Patrick Partouche use de ce matériau dans ses constructions. Enfin, pas tout le temps, parfois seulement. Car la demande en la matière, comme l’offre, demeurent marginales même si elles émergent peu à peu. Parce que les mentalités changent et parce qu’au-delà du pittoresque, cette maison tout métal n’est guère dénuée d’atouts.
Vous les voyez empilés les uns sur les autres et côte à côte sur un quai ? Oui, vous voyez. Six mètres de long pour les petits, douze pour les gros. Et maintenant, essayez de les imaginer en habitation. Pas facile hein ? « Il faut oublier le terme de container », conseille Patrick Partouche et parler plutôt « de construction métallique. » Vous avez dit construction ? Naïvement, on pensait à un jeu de Légo géant. Avec un architecte qui empilerait ou juxtaposerait ces boites avant de les habiller (ce n’est pas une obligation). Idée simpliste pour ne pas dire réductrice qui fait sourire notre architecte : « Les gens voient l’aspect ludique. Ils pensent toujours que nous nous contentons d’empiler des boites. C’est faux. Pour nous, le travail est plus conséquent qu’une maison traditionnelle. » Avec peut-être davantage de réflexion en amont : « Quand je dessine des maisons, mon but n’est pas d’empiler des containers, mais de les intégrer dans l’environnement. »
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Et c’est justement son propre environnement qui lui a soufflé cette étrange idée. Patrick Partouche observait au bout de son terrain, un train chargé de ces fameux containers. « Ce qui m’intéressait, c’était le détournement industriel », indique l’architecte qui se plaît à imaginer toutes les marchandises ayant transité dans ces boites métalliques. C’était en 2006. Du coup, notre homme a planché sur cette idée. Pas grand chose sur le sujet à l’époque. « Ma maison était la première en France, je ne connaissais pas d’autre exemple. » En revanche, à Londres, à Amsterdam ou à New York, on compte déjà des réalisations du genre. « Cette démarche personnelle m’a permis de m’intéresser au produit et d’apprendre. » Même si, comme il le reconnaît volontiers, il n’a fait que sophistiquer quelque chose qui existait déjà depuis un bout de temps, entre les agriculteurs utilisant les containers comme remises ou les bidonvilles d’Afrique.
Depuis, ce genre de constructions commence tout doucement à émerger en France. On trouve désormais des personnes pour acheter ces containers dans les ports, des bureaux d’études, des architectes… Toute une filière spécialisée est née, rendue possible par une évolution des mentalités. Oui, une maison, ce n’est pas forcément quatre murs et un toit. Ni de la brique et des tuiles comme on pourrait le croire sous nos cieux septentrionaux. Le développement durable n’est guère étranger à cette évolution des mentalités. « C’est le mot magique, les gens se remettent en question. Le développement durable a permis aux personnes de voir d’autres façons de construire. » D’autres façons, différentes que la maçonnerie utilisée ancestralement. « Il y a dix ans, de telles réalisations n’étaient pas possibles : le public n’était pas prêt. »
Signe de l’éclosion du marché, des fabricants de cabanes de chantiers se sont mis à proposer de la maison à partir de containers. Notre architecte tient à s’en démarquer : « Mon but, en tant qu’architecte, n’est pas de faire un sous produit, mais de prendre un produit avec des qualités intrinsèques et d’obtenir une maison haut de gamme. Avec des containers, on peut faire des choses très intéressantes, mais aussi les pires choses. » Des exemples de belles choses, peut-être ? Patrick Partouche en recense quelques uns : sa propre maison de Lesquin réalisée à partir de containers et de serres agricoles (toujours ce souci de détourner le matériau), un projet de bureaux à Lesquin et d’autres encore non retenus comme la cité étudiante du Havre où chaque container représentait un vaste appart d’étudiant (30m²). Au total, les projets se comptent sans trop de difficultés sur les doigts des deux mains. Peu lui importe, il dit ne pas souhaiter devenir « le Monsieur Container » et justement s’enfermer dedans. « Je ne fais aucun prosélytisme: je ne dis pas que tout le monde doit vivre dans un container, ni que le métal est mieux que la pierre. Je propose simplement quelque chose à des personnes désirant une alternative. »
Bon, pour celui qui désire avoir une maison différente de Monsieur-Tout-le-monde, c’est parfait. Mais au-delà de la fantaisie architecturale et de son esthétique, qu’est-ce qu’on peut bien lui trouver à cette maison ? Son coût, tout simplement. Et en temps de crise, l’argument n’est pas dénué d’intérêt. Car une maison construite à partir de containers demeure bien moins onéreuse qu’une maison traditionnelle. Question de logique, la main d’oeuvre, notamment pour le gros oeuvre, est ramenée à sa portion congrue. « Ma politique n’est pas forcément de faire du pas cher, précise cependant notre homme, mais d’en donner davantage avec un même budget: plus d’espace, plus de performance énergétique, etc. » Un exemple ? « 150 000 euros pour 240 m² d’habitation, c’est tout à fait envisageable (sans le terrain, naturellement, ndlr) ». Qui dit mieux ? Et tout ça avec des performances énergétiques plus que satisfaisantes, assure l’architecte. Et puis, si la famille vient à s’agrandir, la maison a davantage de facultés à s’étendre qu’une bâtisse traditionnelle. « On peut envisager une maison de 140 m² (huit containers de 40 pieds) avec quatre containers aménagés pour commencer, et quand le budget le permet, les quatre autres. » Une maison modulaire, évolutive, moins coûteuse, facile à produire, rapide à mettre en oeuvre… Qui sait, peut-être un jour produira-t-on des maisons-containers de façon industrielle, avec le même souci du design que dans l’automobile. Et peut-être alors ne parlera-t-on plus de crise du logement…
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