DailyUne | Rebrousse-poil Par Ch. D. | 06 janvier 2010
Ce sera sans doute (encore) un des sujets récurrents de 2010. Hadopi, le téléchargement illégal, et le glas annoncé de la création artistique. Entre partisans du pour ou du contre, chacun avec leur argumentaire bétonné. A contre-courant des artistes dénonçant le pillage du peer-to-peer, le groupe rock lillois Degadezoo annonce son troisième album (le 15 janvier). Petite particularité: l’opus sera en téléchargement libre. Oui, libre et gratuit. Explications.
Degadezoo. Disons-le tout de go, c’est pas la tête d’affiche à remplir un stade. Même si dans la région, ils se sont bâti une petite notoriété, le groupe demeure dans la confidentialité. Loin des traditionnels circuits et des bacs des supermarchés. Même s’il tourne depuis dix ans tout rond et s’il affiche au compteur trois albums. Non, Degadezoo n’a rien de la grosse machine marketing. Raison de plus, pourrait-on dire. Parce que, forcément, pour ce quatuor de Lillois, chaque vente d’album est bonne à prendre. Et pourtant… Pour son troisième opus intitulé CDLXXVI (476 pour les réfractaires aux chiffres romains, date de la chute de l’empire romain d’occident), le groupe annonce un album en « distribution libre et gratuite ». David Fremy, chanteur et guitariste du groupe, s’explique : « Nous voulons éviter les circuits traditionnels éditeur-distributeurs. Pour un groupe comme nous, cela coûte plus cher que cela ne rapporte. » C’est l’expérience qui parle. « Pour notre deuxième album (5 000 exemplaires produits par le label Furtive records, ndlr), nous sommes tombés dans le piège des invendus. Du coup, on préfère dire d’entrée que ce nouvel album est gratuit. » Non par dépit, car la démarche se veut plus réfléchie. Et sans doute plus réaliste. « Notre second album est sur E-mule, et de ce fait, gratuit. Nous préférons juste prendre les devants. »
Bien. Tant mieux pour l’internaute qui ne risque pas d’écoper d’une amende en téléchargeant leur musique. Mais on s’interroge: un groupe avec une politique aussi généreuse ne peut aller bien loin. « On va nous rétorquer que si c’est gratuit c’est que ça n’a pas de valeur », lance David Frémy. Faux, archi faux précise-t-il aussitôt. Car ce troisième album autoproduit a été préparé sur un an et demi, et enregistré en studio de façon pro. Avec quelques changements comme le suggère son intitulé (476, fin de l’empire romain, on le re-précise).Quelques petites évolutions avec des apports de nouveaux instruments. Pour le reste, « ce troisième album est toujours militant et engagé comme les deux précédents ». (Ecouter le premier titre de l’album ci-dessous) Finalement, la seule différence, réside dans le fait qu’aucun CD ne sera pressé. Ou alors, juste en série très limitée pour quelques privilégiés.
Soyons méchants deux petites secondes: si Degadezoo s’offre le luxe de se priver des recettes de vente de CD, c’est parce que, justement, il n’en vend pas! Notre guitariste-chanteur le reconnaît volontiers: « Nous ne sommes pas dans une situation où nous pouvons nous attendre à gagner des centaines de milliers d’euros en vendant des disques. » Certes, ça facilite les choses. Mais il existe une autre raison. Le groupe voit son activité sous un autre oeil : davantage sur les scènes, moins dans les studios d’enregistrement. « Pour nous l’important, ce sont les concerts et non les disques. Notre rémunération vient des places vendues et des droits d’auteurs, lorsque des radios nous diffusent. Les premiers albums nous ont déclenché une série de concerts qui nous ont permis de financer ce nouvel album. » Là encore, petite particularité. Dans leurs concerts, personne n’est fouillé à l’entrée. Tout bonnement parce qu’à l’opposé des artistes arc-boutés sur la protection de leur image et de leur création, Degadezoo se fout royalement d’être enregistré. D’ailleurs, pour son prochain concert (le 15 janvier à Lille), le groupe invite chacun à venir avec sa clé USB. « Des copains seront là avec des ordinateurs pour copier l’album. » Après tout, le téléchargement libre et gratuit peut inciter à découvrir le groupe en chair et en os: sur scène, la vocation première d’un groupe de rock.
[audio:http://dailynord.fr/audio/leschanteurs.mp3] Degadezoo est en concert à l’Antre 2 (salle de la Fac de Lille2) ce 15 janvier à 20h. Pour connaître les autres dates : le Myspace du groupe, et le site officielCe contenu est © DailyNord. Si cet article vous intéresse, vous pouvez reprendre un extrait sur votre site (n’excédant pas la moitié de l’article) en citant bien évidemment la source. Si vous désirez publier l’intégralité de l’article, merci de nous contacter »
Degadezoo en concert le 27 mars au All In Bar à Lille, rue de Turennes, entrée gratuite