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Mer patrie : vingt-quatre heures en mer avec les pêcheurs d’Etaples (3/3)

DailyUne | Réalités Par | 15 décembre 2009


Retour dans le Détroit du Pas-de-Calais pour la troisième et dernière partie de notre reportage avec les pêcheurs des Coopératives maritimes étaploises. La pêche est bonne, les hommes du Nicolas Jérémy décident de rallier la terre ferme de Boulogne-sur-Mer quelques instants histoire de décharger le poisson en pleine nuit. Avant de repartir vers le large. Pêcher dans leur mer patrie.


Le récit en images

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L‘après-midi s’écoule au fil de l’eau. Et des pêches. Toutes les trois heures. Les hommes se couchent, se relèvent au rythme des appels de Bruno, enfilent leurs vêtements, trient, nettoient, se remettent en civil, s’attablent pour partager un café. Et répètent ces actions inlassablement. A l’extérieur,  la mer s’agite de plus en plus. De quoi enfin mettre à mal l’estomac du grand reporter qui a décidé de s’offrir une partie de pêche. Nauséeux. Pas question pour autant pour les pêcheurs de se moquer. « Tu n’es pas le premier à monter sur le bateau, on en a vu… Et d’ailleurs, je suis même étonné que tu ne sois pas plus malade que ça », tempère Bruno. Vincent, son fils : « Va t’allonger un peu. Ça ira mieux. » L’ordre passe, la nausée aussi.

[singlepic id=830 w=320 h=240 float=right] Une bonne pêche, retour vers Boulogne-sur-Mer dans la nuit

La nuit est définitivement tombée. Des côtes, on ne voit plus que les lumières. Comme celles des bateaux environnants. La pêche ne s’arrête pas. Revoici une nouvelle fois le rituel. Les encornets, « l’or noir » des pêcheurs boulonnais, sont de la partie. Puis, c’est l’heure du repas du soir. Chacun sa gamelle. La télé au dessus de la table diffuse La Roue de la fortune. Les pêcheurs se prennent au jeu entre deux bouchées. En discussion également, le fait de revenir à Boulogne-sur-Mer la nuit même car la pêche a été bonne cette journée. Ça discute et les marins décident de rallier la terre ferme. Pas question pour autant d’aller faire coucou aux enfants ou aux compagnes. Il s’agira juste de débarquer le produit de la journée et de repartir.

En attendant, tout le monde va dormir. On reste dans la cabine avec Eric, qui prend les commandes de la navigation, et Vincent, le plus jeune fils de Bruno. 17 ans et demi et une certitude, il veut faire de la pêche, à l’instar de ses frères, Nicolas et Jérémy, sa profession : « J’ai fait ma première marée à 6 ans. Mes vacances je les passais en mer. J’ai fini l’école au mois de juin, je veux en faire mon métier. » Sans pour autant sombrer dans l’angélisme béat car l’avenir du métier s’inscrit en pointillés. « Je fais une formation de mécanicien bateau en parallèle. Ça peut servir. »

« C’est bien payé »

Vincent redescendu sur sa couchette, on continue à discuter avec Eric, 24 ans de mer au compteur. Deux enfants, un garçon de 13 ans, une fille de 11. Qui veulent partir en mer ? « Non, ma fille ne sait pas encore, c’est normal. Et mon fils veut devenir sapeur-pompier. Il est dans les casernes le week-end. » Le week-end justement. Le seul moment où il peut retrouver sa famille et avancer un peu dans les travaux de sa maison récemment construite. « C’est ça qui est dur. L’absence, tu ne voies pas ta famille pendant une semaine, c’est long. Puis aussi le fait que tu es sur un bateau. Donc, quand tu te reposes, tu ne fais pas non plus ce que tu veux. Enfin, c’est [singlepic id=831 w=320 h=240 float=left]bien payé, on n’est pas à plaindre. » Combien ? 30 000 euros par an en moyenne sur ce bateau (la moyenne des pêcheurs est plutôt de 20 à 25 000 euros), qui varient selon la qualité des pêches. Nets. Cinq semaines de congés, mais aussi une semaine à peu près tous les deux mois où l’un des pêcheurs (cette fois, c’est Jeremy, le deuxième fils de Bruno) a le droit de rester à terre. En étant payé. Et une retraite qui dans l’état actuel, est fixée à 55 ans… « Normal, tu nous imagines à 60 ans et plus à faire encore ça ? »

Les lumières de Boulogne-sur-Mer approchent. Le temps de remonter un dernier chalut qui aujourd’hui n’aura pas révélé de drôles de surprises. Genre un obus ou des sacs de drogue : « Ça arrive, se marre Bruno, revenu aux commandes. Dans le cas d’une mine, il faut arrêter le bateau et attendre les démineurs. » Et dans le cas de la drogue ? « Prévenir les douaniers« . Qui contrôlent et posent beaucoup de questions. « Quand c’est arrivé, j’ai eu deux contrôles fiscaux de suite, ironise le patron du Nicolas Jérémy. Un hasard ? » Près de 3h du matin, c’est le moment d’entrer dans le port, face à la criée, où de nombreux bateaux sont déjà à quai. Il ne reste plus qu’à décharger les poissons pêchés dans la journée dans un froid de canard. Après que Karl, éternelle clope au bec, et Freddy aient installé un système de poulie pour sortir la cargaison, un nouveau ballet commence, les pêcheurs déposant les caisses pleines pour les remplacer par des vides. Six tonnes seront ainsi déchargées, une très bonne marée. Il est 4h30 du matin. L’heure après quelques palabres avec les pêcheurs voisins d’embarquer de nouveau. Direction le large, les poissons, le faux rythme de sommeil. Cette semaine-là, le Nicolas et Jeremy reviendra mardi soir pour déposer Bruno, pris par une réunion à Paris le mercredi. Puis rentrera définitivement au port le jeudi dans la journée, alors que d’habitude, c’est plutôt le samedi matin. « La semaine a été bonne et on a des filets à réparer« , nous expliquera par la suite Bruno au téléphone. Un rab de temps à terre, un luxe pour ces pêcheurs qui repartiront le lundi sur cette mer qui les fascine. Leur mer patrie en quelque sorte, celle pour qui ils sont prêts à beaucoup de sacrifices.  Sans jamais avoir peur de chavirer et d’y rester comme nous l’avait confié Nicolas dans la timonerie : « Quand la mer est agitée, tu fais attention, mais, non, nous n’avons pas peur. Sinon,  vaut mieux que tu restes chez toi. »

Retrouvez l’intégralité de ce grand format :

Mer patrie : vingt-quatre heures en mer avec les pêcheurs d’Etaples (1/3)

Mer patrie : vingt-quatre heures en mer avec les pêcheurs d’Etaples (2/3)

Mer patrie : vingt-quatre heures en mer avec les pêcheurs d’Etaples (3/3)

Et retrouvez également dans quelques semaines notre reportage à terre, à la criée : Silence, on vend !


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