C’est l’affaire de la semaine. Dimanche, l’émission Sept à Huit sur TF1 diffusait un reportage sur une cité sensible. En quoi ça peut nous intéresser, vous demandez-vous ? Eh bien, les images ont été tournées à Maubeuge, dans le quartier des Provinces-Françaises. Les habitants sont, paraît-il, indignés. Mise à jour : ce jeudi soir, le journaliste qui a réalisé le reportage nous a contacté pour s’expliquer.
Quinze minutes de reportage. Et tous les clichés des cités difficiles : témoignages sur le pas de la porte (floutés évidemment), questions du côté de la boulangerie du coin, témoignages de « jeunes » qui expliquent qu’ils veulent travailler, la réflexion raciste à la con, images de nuit dans la cité entre dérapages contrôlés en voiture et trafics de drogue, bref, le cocktail parfait pour un reportage sur une cité dite sensible. Sauf que voilà : si ça s’était passé dans le 9-3, on ne vous en parlerait pas. Le « problème », c’est que les images ont été tournées du côté de Maubeuge, dans le quartier des Provinces-Françaises.
Du coup, depuis dimanche soir, les réactions s’enchaînent. Relayées par La Voix du Nord d’abord. Scandaleux, honteux, caricatural, Sept à Huit et TF1 en prennent pour leur grade de la part des habitants et des politiques. Car à entendre les témoignages, les Provinces-Françaises, ce n’est pas le Bronx. On veut bien le croire même si ce n’est pas non plus le quartier le plus recherché du Nord, faut bien l’avouer. La polémique est même relayée par Arrêt sur Images, qui précise d’ailleurs : « Théoriquement, rien de très problématique donc dans ce sujet, qui tente de contrebalancer l’image négative « des jeunes » qu’il véhicule au départ. Mais on peut aussi s’interroger sur l’intérêt réel du reportage, qui s’appuie finalement sur peu d’éléments pour accréditer sa thèse. »
L’intérêt du reportage… C’est peut-être là finalement où le bât blesse tant on n’y apprend rien de nouveau et on ne comprend pas ce qu’il est censé montrer. Nous avons essayé de contacter le journaliste qui a réalisé le sujet pour connaître son sentiment sur cette polémique et sa prétendue malhonnêteté intellectuelle. Pas de chance, il est absent cette semaine, nous informe sa rédaction, qui ne souhaite pas s’exprimer à sa place. Dommage, on aurait aimé en savoir un peu plus. Et lui demander pourquoi avoir choisi Maubeuge d’ailleurs plus qu’une cité de la région parisienne (ou plutôt certaines cités dites sensibles, de région parisienne ou d’ailleurs, suite à la remarque d’un commentateur de DailyNord avisé) : peut-être parce que là-bas l’équipe n’aurait même pas pu pénétrer entre les immeubles avec la caméra ?
Mise à jour jeudi 19 novembre :
Ce jeudi soir, Emmanuel Reitz, le journaliste de Elephant & Cie qui a réalisé le reportage, a répondu à notre mail. Actuellement en Asie du Sud-Est, il a été mis au courant de la polémique et se défend de toute exagération : « Nous n’avons montré que la réalité constatée sur le terrain. Aucune de nos images n’est exagérée ou falsifiée. Je comprend que la mairie n’ait pas apprécié mais la réalité sur le terrain prévaut à tous les discours, et elle n’a pas été tronquée. La plupart des habitants que nous avons rencontré souffre au quotidien à cause de cette « poignée de jeunes qui leur pourrissent la vie » comme le titrait le journal La Sambre après les émeutes de septembre dernier. C’est d’ailleurs ce papier qui nous a fait réagir. Je comprend que cette réalité puisse susciter des réactions de la part des Maubeugeois mais encore une fois, c’est ce qui se passe sur le terrain. Notre « pitch » était de montrer un instantané d’une cité de province dont on n’entend à priori peu parler au niveau national et d’aller rencontrer deux mondes qui se côtoient quotidiennement sans toutefois se comprendre (les « jeunes » du quartier et les habitants des 3 tours d’en face) ».
Ce contenu est © DailyNord. Si cet article vous intéresse, vous pouvez reprendre un extrait sur votre site (n’excédant pas la moitié de l’article) en citant bien évidemment la source. Si vous désirez publier l’intégralité de l’article, merci de nous contacter »
Vous n’êtes pas en train de faire la même chose que TF1, qui a dénigré le quartier dit sensible de Maubeuge, avec les cités de la région parisienne ?
Loin de nous l’idée de dénigrer les cités de la banlieue parisienne. On dit juste qu’on se demande si les mêmes journalistes auraient reçu le même accueil dans certaines cités autour de Paris connues pour le mauvais accueil qu’elles réservent aux journalistes. Et pas seulement à Paris. Dans toutes les régions d’ailleurs. Tandis qu’à Maubeuge, ces journalistes ont a priori été plutôt bien accueillis. Pas de dénigrement donc, mais votre remarque est juste : on va préciser le sens de notre pensée dans la chute de l’article.
merci pour votre réponse et la précision !
Sauf erreur, LaVoix du Nord figure au générique de l’émission. Le quotidien est partenaire de TF1 et ses journalistes localiers sont des gens de terrain. Alors comment expliquer ce dérapage ? N’ont-ils pas « Voix » au chapitre ? Les arrangements commerciaux entre les deux sociétés priment-ils sur la véracité de l’info ?
bonjour,
Vous ne dites pas dans l’article quelle est l’auteur de ce reportage ?
Pour qui travaille-t-il ?
Pour son émission Sept à Huit, TF1 achète ses sujets à des sociétés de production.
Suite au commentaire de Fred
Le journaliste en question travaille pour la société Elephant & Cie, dirigée par Emmanuel Chain et Thierry Bizot… Nous avons contacté le journaliste par mail (il est absent cette semaine) et nous ne manquerons pas de publier sa réaction s’il souhaite réagir.
Suite au commentaire de Jelcoe
Bonne remarque : La Voix du Nord comme la Sambre (l’hebdo de Maubeuge et des alentours) figurent bien au générique de l’émission dans la mention Crédits. Nous pensons qu’il s’agit juste de signaler les premières sources de l’enquête réalisée par Sept à Huit. Qui a forcément consulté les journaux locaux avant de décider de se rendre dans le quartier. D’ailleurs, dans le reportage, le journaliste utilise une photo de La Voix du Nord et la Une de la Sambre. Des arrangements commerciaux ? Vous allez certainement un peu loin, mais si un responsable ou un journaliste de La Voix du Nord veut s’exprimer sur le sujet dans les commentaires et repréciser les choses, il est le bienvenu.
La filiale audio-visuelle Nep Tv de la Voix du Nord est bien partenaire de TF1 depuis une quinzaine d’années… La chaîne WEO (Voix du Nord et Conseil Régional NPDC) est bien dirigée par celui qui fut le responsable de NepTv, et c’est bien la régie de TF1 qui assure la pub de Wéo (à ne pas confondre sur la Grand Place de Lille avec Méo)…
Bonne remarque une nouvelle fois ! Donc, en effet, il y a des arrangements commerciaux entre les différentes sociétés citées comme vous le soulignez. Après, sur l’affaire de Maubeuge et le traitement médiatique de la société de prod pour TF1, y-a-t’il des liens directs entre les journalistes de La Voix et ceux de TF1, à voir donc… Les commentaires leur sont ouverts…
Le problème est de savoir quel regard portent les journalistes du lieu sur les faits existants. A-t-on tenu compte de leurs avis, de leurs expériences ? Ont-ils été associés au reportage d’une manière ou d’une autre comme pourrait le laisser supposer le générique. Vous employez l’expression « société de prod »… La « prod », généralement, est un terme que l’on utilise dans la production de sujets de « fiction ». Le journalisme, c’est autre chose. Normalement…
Quel regard portent les journalistes locaux là dessus? Au ton des papiers relevés ces derniers jours (en particulier chez VDN), on peut penser qu’ils jugent également ce reportage quelque peu caricatural. Simple constat de lecteur; naturellement, seuls les intéressés pourraient répondre (qu’ils n’hésitent pas à poster ici bas)… Ont-ils été associés comme le laisse présumer la mention au générique ? Là encore, seuls eux peuvent nous éclairer. Mais nous pouvons cependant apporter une réponse générale en nous appuyant sur notre propre expérience passée. Lorsqu’une boite de prod. débarque en province, elle commence souvent par un coup de fil à des rédactions locales. Histoire de récupérer des contacts: un président d’asso, un élu ou que sais-je… Une personne qui leur servira de « guide » dans un quartier qu’ils ne connaissent pas. Si les journalistes locaux sont consultés au préalable, ils ne sont -en règle générale, entendons-nous bien- guère associés aux reportages qu’ils découvriront en même temps que le téléspectateur lambda. On peut le regretter sans doute. Car les journalistes locaux pourraient apporter leur connaissance du territoire et guider une équipe dépêchée depuis Paris (ou Boulogne-Billancourt) qui pour ce genre de reportage ne perdra pas plus d’une journée maxi sur les lieux. Quant à la société chargée de ce reportage, Elephant & Cie, elle se définit elle même comme une société de production audiovisuelle (cf. son site http://www.elephant-cie.com/) travaillant indifféremment pour de nombreuses chaînes (TF1, France Télévision, M6…). Le journalisme et une société production peuvent-ils s’accommoder? Les intérêts commerciaux et le souci d’objectivité nécessaire au journalisme, peuvent-ils faire bon ménage ? Vaste débat…
Je pense que vous vous fiez trop à « La Voix du Nord », qui est par ailleurs un grand régional, et un excellent journal, pour porter une appréciation juste et normale, sur ce type de reportage. D’abord l’affaire a été initiée, me semble t-il, par « La Sambre », qui est vrai canard de terrain. « La Voix du Nord », a toujours un peu tendance à minorer les faits, comme s’ils s’agissaient de simples débordements, commis par des petits garnements. Vous devriez, vous interroger sur les témoignages produits dans le dernier papier de la VDN, avec le directeur d’un Centre Social, qui n’habite pas le quartier, mais qui y réside simplement de jour (SANS LE DISQUALIFIER est_ce suffisant pour se faire une idée ? A mon avis, non, d’autant que ce fonctionnaire est redevable d’un certain devoir de réserve) et une habitante, qui n’a pas été identifiée, mais qui condamne sans appel le sujet. Est_ce suffisant pour dire ensuite, comme je l’ai lu, que les habitants sont, tous, scandalisés ? Ce n’est pas le Bronx, Maubeuge ? Non, bien sur, mais c’est quand même une ville dangereuse, avec une vraie problèmatique sécuritaire. Si vous croyez le contraire, c’est que vous n’y êtes jamais allé, et il serait temps d’arrêter, de faire, depuis Lille ou ailleurs, de l’angélisme béat. Désolé, mais moi, j’ai trouvé le reportage de TF1, assez objectif, sans arrière_pensée aucune, assez explicite d’une situation sociale intenable, très difficile, même si, dans le même temps, il ouvre des perspectives intéressantes pour l’avenir parce que les gens sont courageux et que les jeunes veulent s’en sortir. La situation économique du Val_de_Sambre et de la ville de Maubeuge, est absolument catastrophique, et ne pouvait générer à terme, que ce genre d’incivilités. A ce titre, la cité des Provinces-Françaises est, bel et bien, un noeud profond de délinquance, connu et reconnu comme tel, depuis des décennies, pour ses trafics multiples, en liaison avec la Belgique et le sud des Pays_Bas. Evidemment ces trafics ne sont pas toujours voyants. Pour mémoire concernant Maubeuge : 64 pour cent des habitants ne paie pas d’impôts, il y a près de 25 pour cents de rmiste, et le chômage touche 25 pour cent des actifs. Ce sont les chiffres pour Maubeuge dans son ensemble, pour les Provinces_Françaises vous pouvez les doubler. Ces grands ensembles, décor ordinaire de la ville, sont un échec total de la politique urbaine des années 60_70. Et l’avenir est très sombre, avec la crise qui vient de toucher l’un des fleurons de l’industrie automobile (MCA), occasionnant l’arrivée de milliers d’intérimaires sur le marché du travail. Dans le même temps, le désenclavement reste un voeux pieux, et il faut près d’une heure 30, pour rejoindre Lille en train ! Ajoutez_y un éclatement total des quartiers, et vous obtiendrez une bombe à retardement urbaine. Loin de moi l’idée d’attaquer le travail des élus, souvent remarquable, mais la mission est rude, croyez_moi.
Il y a quelques semaines, on parlait encore là bas, des incendies volontaires, et ce n’était pas imaginaire.
Voilà mon sentiment.
Cordialement
Camille ancien journaliste pqr dans le Nord
Camille,
Merci pour votre sentiment. Très intéressant d’ailleurs. Sans se défausser, on précise juste que nous ne jugeons pas le reportage de Sept à Huit. L’objet était de signaler la polémique, sans dire si elle est justifiée ou non. Car, comme vous le soulignez, nous ne vivons pas aux Provinces-Françaises et à part ce que nous pouvons en lire dans La Voix ou La Sambre (ou voir sur TF1), nous n’en savons pas beaucoup plus.
Juste un reportage pour les élections, TF1 roules pour une certaine politique, rien de plus.