Ch’ti croisière, ch’ti tour, ch’ti burger… Et on parle même d’une liste pour les Régionales revendiquant un label ch’ti ! On l’assaisonne décidément à toutes les sauces. Y compris les plus improbables. A croire que le ch’ti fait vendre. Si le phénomène n’est certainement pas nouveau (la bière du Ch’ti existe depuis trente ans), son exploitation commerciale à tout va paraît en revanche récente. Effet induit, fort logiquement, par le film de Dany Boon, ce Ch’ti naguère boudé est désormais courtisé.
Envie de revendiquer votre appartenance régionale ? C’est possible à tout moment. Vous pouvez manger des ch’tis kebab, faire couper vos arbres par un ch’ti élagueur, aller en vacances au ch’ti camping ou en croisière des ch’tis et même, peut-être, demain voter ch’ti… On n’invente rien, tout ça existe réellement. Et on vous passe les ch’tis friteries surgies aux quatre coins de l’Hexagone. Depuis deux ans, on trouve des déclinaisons à foison. Véritable label susceptible de séduire le chaland, ce ch’ti naguère mal connoté est ainsi devenu tendance. « Dans les années 80, une agence de communication nous avait conseillé de changer de nom, en disant que ça ne marcherait jamais avec une telle appellation », sourit Annick Castelain de la Bière du Ch’ti. Les temps changent, aujourd’hui, on n’hésite plus à coller du Ch’ti sur un quelconque produit. Peu importe qu’il soit fabriqué dans la région, qu’il s’agisse d’un produit typique ou même de qualité.
Dominique Druon gère le site Trésors du Nord depuis 2001. Un précurseur pourrait-on dire, puisqu’il n’a pas attendu Bienvenue chez les Ch’tis pour se lancer sur ce marché des produits régionaux, naguère considéré comme marché de niche destiné essentiellement aux expatriés. Quelque 1 500 références ayant trait au Nord – Pas-de-Calais (confiserie, textile, bière…) et la fameuse boite aux trésors composée de spécialités régionales et lancée en 2007. Forcément, quand on occupe un marché depuis quelque temps et qu’on voit débouler subitement autant de nouvelles offres, ça peut agacer. Surtout lorsqu’on s’aperçoit que certains de ces produits dérivés n’ont finalement pas grand chose de ch’ti. Exemple pas plus tard que cette semaine : « J’ai été sollicité pour vendre un livre de recettes régionales écrit par une dame de Bourgogne. Sur la couverture, il y avait le lion des Flandres. » Que quelqu’un d’extérieur à la région écrive un bouquin de recettes, passe encore. Mais coller le lion des Flandres avec du Ch’ti dans le titre, là, notre commerçant héninois juge ce mariage culturellement douteux.
L’exemple est sans doute révélateur d’une tendance qui ne s’embarrasse pas de ce genre d’approximations. Difficile d’aller à son encontre, d’autant que les acteurs historiques de ce marché du produit régional en profitent. « Ça nous a apporté une notoriété nationale. Nous étions présents en linéaire, mais nous n’étions pas forcément connus et reconnus », confie Annick Castelain. Même constat du côté de Trésors du Nord qui dit avoir vendu « 10 000 coffrets Trésor du Nord » en l’espace de deux ans, et évoque un « chiffre d’affaires multiplié par deux l’an passé et cette année ». On peut néanmoins reconnaître les effets bénéfiques du film et s’agacer d’initiatives prétendument nordistes. « D’un point de vue commercial, plus on en parle, plus on en vend. Mais d’un point de vue culturel, on vend aujourd’hui des produits prétendument ch’tis alors qu’ils sont faits en Chine », lance Dominique Druon.
Et ça, nos interlocuteurs n’aiment pas trop. Car le risque est de voir le nom galvaudé même lorsque la vague ch’ti sera définitivement retombée. Et d’être associés au marketing opportuniste et forcément éphémère engendré par le film de Dany Boon. « Certains pensent que la bière du Ch’ti a été lancée autour du film ! », regrette Annick Castelain. « On se bat contre ça, pour dire que la bière du Ch’ti existe depuis 1979. Cette année, notre campagne de communication est axée là-dessus pour fêter le trentième anniversaire. » A la brasserie de Bénifontaine (Lens), on dit veiller ainsi à l’intégrité de la marque Ch’ti déposée depuis trois décennies dans différentes classes (notamment alimentaire). Quitte à s’attacher les services d’un cabinet lillois spécialisé en la matière « pour expliquer aux gens qu’il s’agit d’une marque ». « On essaye de défendre cette marque notamment au niveau alimentaire pour qu’elle demeure synonyme de qualité », témoigne Annick Castelain. Pas question de faire la chasse aux sorcières, assure-t-on: « lorsque des gens veulent faire un produit de qualité dans la région, on arrive à trouver un accord. » Lorsque des personnes veulent faire un vrai produit ch’ti, et non simplement du ch’ti business.
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