DailyUne | Réflexions Par Ch. D. | 13 août 2009
Gravelines, ses remparts Vauban, sa plage de Grand Fort Philippe et… sa centrale nucléaire. La plus puissante d’Europe (seule celle de Zaporijia en Ukraine rivalise avec sur notre continent). Un incident survenant dans une centrale nucléaire au cœur de l’été, forcément, ça passe pas inaperçu. Pas d’inquiétude disent les communiqués. Mais, c’est marrant, en matière de nucléaire, plus on cherche à nous rassurer, plus on aurait tendance à s’inquiéter. D’autant que Gravelines, en dépit de ses trente ans, est loin d’avoir fini sa carrière.
Pour se rassurer, on a d’abord cherché à comprendre. Fastoche me direz-vous, avec cet incident dans une actu sans relief, on n’avait que l’embarras du choix. Mais en matière de nucléaire, rien n’est jamais simple. On l’a vite compris à la lecture de la dépêche AFP et des nombreux articles sur le sujet. On retiendra qu’il s’agit de quelque chose de très très technique. Grosso modo, une anomalie lors du rechargement du réacteur n°1 en combustible : une barre d’uranium qui n’est pas à sa place (pour le détail de la manœuvre voir du côté du blog Enerzine par exemple). On retiendra encore qu’il faudra des semaines et des semaines pour que tout rentre dans l’ordre. On se rassure, aucune conséquence à craindre pour le personnel ou pour l’environnement dixit les apaisants communiqués de l’ASN (Autorité de sûreté nucléaire) ou de la préfecture. Circulez, y’a rien à voir. Bon, forcément, des écolos s’émeuvent, affichent un certain scepticisme et évoquent un incident pas si anodin que ça. Du coup, on en remet une couche histoire de nous apaiser une bonne fois pour toute. Mon tout servi par un expert. Non, promis, y’a vraiment rien à craindre. Question de bore dans l’eau et de son effet neutralisant (plus de détails ici). Mieux, ce genre d’incident est même prévu (si si, on a lu ça ici). Ah, forcément si le bore est avec nous, et en plus, si c’est prévu, on se sent vachement plus apaisé.
Pour Gravelines, on parle donc d’un simple « incident« . Niveau 1 (enfin, pour le moment, on verra au fil des opérations de dépannage) sur une échelle qui en compte 7; ce dernier niveau correspondant à Tchernobyl. Un incident que nous autres, communs des mortels, devront sans doute renoncer à en saisir la teneur exacte, condamnés à faire confiance aux experts en la matière. Un incident néanmoins « significatif » et « délicat » si l’on songe que depuis 1977, aucune centrale française n’a enregistré d’incident supérieur au niveau 2 sur cette même échelle. Et comme on est curieux, on a aussi jeté un œil sur le site de l’ASN où quiconque peut consulter les avis d’incidents dans les différents sites nucléaires de France et de Navarre. Loi sur la transparence et sécurité en matière nucléaire oblige. Naïvement, on s’attendait à en relever quelques uns pour la décennie. On est verni : plus d’une dizaine rien que pour l’été ! Mais comme il s’agit d’incidents, sans doute n’y a-t-il aucune matière à s’inquiéter.
Un incident néanmoins « exceptionnel » a ajouté la direction de l’exploitation dans les colonnes de la Voix du Nord. Tellement exceptionnel, que la même bévue s’est produite au Tricastin (Drôme) en septembre 2008 et encore, à Nogent-sur-Seine (Aube) en 1999. Une fois, deux fois, trois fois, à partir de combien d’incidents similaires, on cesse de parler d’exceptionnel pour évoquer une récurrence ? En tout cas, ces incidents montrent une faille dans la sécurité réputée comme très sûre des centrales nucléaires françaises. Et pour Gravelines, c’est loin d’être le premier accroc: une vulgaire recherche sur Wikipedia et on trouvera recensés les différents incidents en 2007, 2006 et 1989. Oui, 2006, 2007 et maintenant 2009… Faut-il y voir un lien avec le vieillissement des installations ? A priori, non, puisqu’on le répète, il s’agit d’une erreur de manutention. Et pourtant. A l’heure, où il est question de prolonger significativement la durée de vie des six réacteurs de Gravelines, ce nouvel incident interpelle.
Car l’ASN ausculte actuellement les centrales nucléaires construites entre 1977 et 1986 afin de prolonger leur vie (lire le Monde daté du 7 juillet). En scrutant réacteur après réacteur pour voir si ils sont encore bons pour le service. Gravelines dont la première phase de travaux fut lancée en 1974, fait naturellement partie du lot. Trente ans d’exploitation, c’est pas mal. Ailleurs, la centrale serait bonne pour la retraite. Aux Etats-Unis, en Belgique, en Finlande, pour ne citer qu’eux. Pas en France. Ici, les réacteurs n’ont aucune durée de vie prédéfinie : les autorités décident ou non de la poursuite de l’exploitation. La prolongation de dix ans des réacteurs de 900 MW est d’ores et déjà acquise semble-t-il. Et on parle même d’une rallonge de vingt ans. Autrement dit, en 2030, on fonctionnera encore avec une technologie R.E.P (réacteur à eau pressurisée) des années 1970. Question de coûts explique le Monde: prolonger la vie d’un réacteur revient dix fois moins cher qu’en construire un nouvelle génération.
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