DailyUne | Petite histoire Par Nicolas Montard | 25 juin 2009
Du 27 juin au 3 juin, le cinéma fait sa fête. Une place achetée, les suivantes à trois euros. Un bon moyen d’encourager la fréquentation des salles dans la région. Qui ont diminué comme peau de chagrin ces dernières décennies : alors que le Nord – Pas-de-Calais a compté près de 500 lieux de diffusion dans les années 50, il en reste à peine 70 aujourd’hui. La faute aux multiplexes s’étranglent déjà les anti-cinémas-en-zone-commerciale. Oui, mais pas seulement. Petite histoire des salles régionales avec Olivier Joos, enseignant à Saint-Omer et auteur d’un blog sur le sujet.
[singlepic id=443 w=320 h=240 float=right]DailyNord : Comment en arrive-t-on à réaliser un site sur l’histoire des salles de cinémas régionales ?
Olivier Joos : La génèse remonte à 1995. J’avais une maîtrise à faire et j’ai choisi un sujet sur l’arrivée des salles de cinéma dans le Bassin minier. C’était difficile, car le sujet n’avait jamais été traité, mais à force d’éplucher les archives des hebdomadaires d’époque, j’ai trouvé la matière. J’ai rendu ma maîtrise (pour laquelle, au passage, il a ramassé une mention très bien, ndlr), mais après, j’avais envie d’aller plus loin. Je m’étais cantonné à la période précédant la Première guerre mondiale. J’ai continué, rencontré des gens qui faisaient des recherches dans le secteur et il y trois ou quatre ans, en compagnie de Daniel Grandval, nous avons co-écrit un livre sur l’histoire du cinéma dans la région. Le livre étant découpé de façon chronologique, j’avais envie de le faire vivre sur le net, mais en faisant un point sur chaque salle. Ce blog a donc ouvert il y a quatre mois.
DailyNord : Sur le site, on découvre des cinémas insoupçonnés…
Olivier Joos : A la grande époque, dans les années 50, la région comptait près de 500 salles de cinémas ! En pleine ville comme à Lille, il y en avait une trentaine ! Aujourd’hui, trois ou quatre… La densité urbaine expliquait le nombre de salles, comme le goût pour la fête. Mais, le plus surprenant, ce sont les nombreux cinémas dans les villages [singlepic id=442 w=320 h=240 float=left]ou petites villes. A Estrée-Blanche (à côté d’Aire-sur-la-Lys), quelques centaines d’habitants, il y avait une salle. Aubigny-en-Artois (Arras) en possédait une aussi. Quant aux villes moyennes, comme Berck-sur-Mer ou Saint-Omer, elles avaient trois cinémas !
DailyNord : Dans la région, il reste aujourd’hui un peu moins de 70 salles actives. Quand ces cinémas ont-ils disparu ?
Olivier Joos : D’abord, il y a des fermetures et des ouvertures à toutes les époques. A la fin des années 20, quand le cinéma parlant est arrivé, certains n’ont pas su s’adapter, se moderniser. Idem dans les années 60, avec la démocratisation de la télévision dans les foyers : des cinémas, qui ne possédaient qu’un écran, se sont mis à découper leur espace en plusieurs salles pour proposer un choix plus large. Enfin ceux qui le pouvaient. C’est vraiment à cette époque que les cinémas ont commencé à disparaître. La dernière salve a été dans les années 90. Avec l’ouverture du Kinépolis de Lomme en 1996 qui était le premier exploitant de la région à s’implanter en banlieue, dans une zone commerciale. Depuis, partout dans la région, on a suivi le mouvement. Et les derniers cinémas de ville ferment petit à petit. Comme L’Apollo à Lens par exemple en 1999 qui, à l’époque de son ouverture, était la troisième plus grande salle de France et la première de province !
DailyNord : Lors de vos recherches, en rencontrant des projectionnistes ou d’anciens directeurs de cinémas, vous devez entendre des histoires croustillantes…
Olivier Joos : Oui, il y a quelques anecdotes. A Aubigny-en-Artois, le projectionniste faisait lui-même la loi dans sa salle. Une fois, quand il y avait trop de bruit, il est descendu au milieu des sièges pour sortir les indélicats ! Il y a aussi Hesdin, [singlepic id=441 w=320 h=240 float=right]qui avait modernisé sa salle avec un procédé « surround », révolutionnaire à l’époque. Le cinéma avait décidé de diffuser le film Tremblement de terre (sorti en 1974). Seulement, les voisins se sont plaints : des cadres et des assiettes tombaient de leurs murs. Il y a également des comptes-rendus de journalistes de l’époque. Qui parlent de la fumée de cigarettes qui empêche de voir l’écran. Oui, on pouvait fumer et boire ! Même discuter à l’époque du muet ! J’ai aussi lu l’article d’un autre journaliste qui se plaignait des chapeaux des femmes qui gênaient la vision. Il suggérait qu’elles aient un coin de la salle réservé…
DailyNord : Que sont devenus tous ces cinémas ?
Olivier Joos : Estrée-Blanche, dont nous parlions tout à l’heure, est désormais un potager. Il ne reste que les murs pour le délimiter. A Eperlecques, une autre commune près de Saint-Omer, le lieu existe toujours, c’est devenu la salle de spectacles de l’école privée. Le projecteur est toujours là, mais ça fait des années qu’il n’a pas fonctionné. En ville, beaucoup de cinémas sont devenus des supermarchés : c’était l’espace idéal pour s’implanter.
Pour découvrir l’histoire des cinémas de votre commune, c’est par là (Olivier Joos actualise le site au fur et à mesure, si le vôtre n’y est pas encore, patience) Le livre d’Olivier Joos et Daniel Grandval : « Les cinémas du Nord et du Pas-de-Calais de 1895 à nos jours » (Editions du Club Cinéma de Merville). Et pour aller au cinéma et payer un peu moins cher, le site officiel de la Fête du Cinéma, du 27 juin au 3 juillet.Ce contenu est © DailyNord. Si cet article vous intéresse, vous pouvez reprendre un extrait sur votre site (n’excédant pas la moitié de l’article) en citant bien évidemment la source. Si vous désirez publier l’intégralité de l’article, merci de nous contacter »
Dure décadence. Quand j’étais gamin, aller au cinéma était un évènement, une fête, une vraie sortie familiale mais avec l’arrivée de la télé, d’abord puis avec l’avènement du magétoscope et ensuite du DVD et du Blue Ray maintenant, faut-il s’étonner de cette dégringolade?
Le cinéma français est sous perfusion et tout comme la musique française (de tout style) sa mort est malheureusement programmée à l’instar du cinéma italien, espagnol, russe, allemand… La liste est longue.