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Transsexuels: condamnés au mauvais genre

DailyUne | Réflexions Par | 22 mai 2009


FTM. Littéralement, « female to male ». En clair, Leo cultive l’apparence d’un jeune homme, mais sur sa carte d’identité demeure un « F » majuscule. Ce transsexuel de 24 ans, issu de la région lilloise, évoque une situation largement méconnue. Une transphobie sans doute renforcée par un système où cette population demeure considérée comme des malades psychiatriques en dépit des récentes déclarations de Roselyne Bachelot.

Le timbre n’est pas celui d’une femme, sans être pour autant viril. Léo n’a rien du travesti qui s’habillerait en homme (ou en femme) occasionnellement. Non. Il vit en jeune homme en permanence. Bien entendu, Léo est un pseudo. Léo n’existe pas. Officiellement, du moins. Léo est un transsexuel. Un terme qui lui paraît inapproprié. « C’est une erreur de parler de transsexualité. Dans l’esprit des gens, il existe un amalgame avec la sexualité. Je préfère parler de trans-identité. » Une nuance sémantique qui montre combien le problème ne se limite pas à une vulgaire orientation sexuelle ou même à la simple apparence physique et vestimentaire.

« Lorsqu’on est transsexuel, on est un peu sans-papiers. »

Est-ce normal ? Naturel ? Devient-on ou naît-on transsexuel ? On aura beau se triturer les méninges, toute tentative de réponse demeure hasardeuse et entachée de poncifs. Un transsexuel n’est pas forcément un garçon ou une fille manqué(e). « Chacun a son parcours personnel, témoigne ce jeune nordiste. Beaucoup disent qu’ils sont nés dans le mauvais corps et qu’ils se sentent mieux dans le corps opposé. Mais il n’existe pas de chemin classique comme on l’imagine. » Lui dit s’être senti toujours « bizarre ». « Il m’a fallu du temps et des rencontres pour comprendre cette bizarrerie. » Et du courage aussi pour affirmer ce qu’il avait envie d’être. « L’important est ce qu’on est aujourd’hui. » Aujourd’hui, il est Léo. Et comme il dit se sentir mieux ainsi, le reste importe peu.

Mais il demeure cette carte d’identité. Ce F majuscule qui lui colle aux basques. « Lorsqu’on est transsexuel, on est un peu sans-papiers. » « Imaginez que sur votre carte d’identité vous ayez votre photo avec en dessous un prénom féminin. » On imagine. Et forcément, tout se complique. Lorsqu’il faut présenter son permis à l’agent de police, lorsqu’on tend sa carte bleue à la caissière, lorsqu’on contracte un abonnement de téléphonie mobile, lorsque le facteur vous apporte un pli recommandé… « Tout de suite, le regard de la personne change. » Obligé de se justifier, d’expliquer, mais sans la certitude d’être compris. Car dans un univers bipolaire homme-femme (hétéronormé comme disent les associations), l’interlocuteur refuse souvent de comprendre. « Il est très dur de dire que l’on est transsexuel dans l’espace social. » Et comme toujours, méconnaissance et incompréhension amènent peur et rejet.  Léo évoque une « transphobie insidieuse et présente dans tous les milieux sociaux et professionnels ». Oui, tous les milieux. Y compris ceux se réclamant d’une ouverture d’esprit. Des discriminations (allant parfois jusqu’à l’agression physique), largement méconnues, sans doute parce que la transsexualité ne jouit pas (encore) de le même audience que les mouvements gays et lesbiens.

Dégenrés, pas dérangés

Paradoxalement, l’Etat chargé de lutter contre les discriminations, contribue à les renforcer. Léo et l’association nordiste des Flamands roses, dont il est membre, dénoncent ainsi un système les obligeant à vivre avec une identité qui, à leurs yeux, ne leur correspond plus. Changer d’identité, justement. Cette simple formalité administrative s’apparente à un chemin de croix, conditionnée à un suivi psychiatrique, à un traitement hormonal, à une stérilisation et à une opération. Autant de préconisations formulées dans un rapport provisoire de la HAS (Haute autorité de santé) massivement contesté par les Flamands roses (lire leur récent communiqué). L’association nordiste soulève des problèmes à tous les étages : une chirurgie hexagonale accusant des années de retard en la matière, un traitement hormonal dangereux pour la santé, un suivi psychiatrique inadéquat…

Pourquoi un si lourd traitement ? Sans doute parce que dans la classification médicale internationale, la transsexualité demeure une affection psychiatrique. Une vision archaïque qui renvoie à celle des homosexuels il y a quelques décennies. Léo refuse ce suivi psychiatrique. «Il faut être suivi deux ans minimum par un psy avant que celui-ci ne dise si vous avez droit aux hormones. » Et autant de temps de suivi avant de pouvoir être opéré. Léo refuse cette tutelle et réclame le droit de disposer de son propre corps comme bon lui semble. Certes, la ministre de la Santé a déclaré le week-end dernier (lire la dépêche AFP) que la transsexualité ne serait plus une malade psychiatrique. Une avancée saluée par les mouvements LGBT (lesbiens, gays, bisexuels, transsexuels). Léo y voit plutôt un effet d’annonce, fort opportun à la veille de la journée contre l’homophobie (le 17 mai). Car même si demain, il n’est plus considéré comme un malade psychiatrique, il devra toujours se plier aux exigences des médecins, sous peine que Léo ne puisse jamais exister officiellement.


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