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La crise changerait-elle les syndicats ?

DailyUne | Réflexions Par | 30 avril 2009


La crise, la crise, la crise… Les syndicats baignent dedans depuis des mois. En première ligne. Forcément, on se dit qu’ils doivent être submergés. Déroutés même. Alors pour ce 1er mai, nous avons interrogé différents responsables syndicaux de la région. Du boulot, oui beaucoup, énormément. Mais aussi une réflexion et une évolution sur la façon de travailler et d’agir à l’avenir.

Les syndicats bossent-ils plus en temps de crise ? On frôle la lapalissade. Suffit d’ouvrir sa télé, sa radio ou son ordi. Pas un jour sans découvrir un nouveau piquet de grève. La semaine passée chez Toyota, cette semaine chez Faurecia. Sans oublier EDF, les pêcheurs et j’en passe. Bien sûr que la machine à tracts chauffe depuis des mois. Bien sûr que les syndicats sont de plus en plus sollicités. En témoignent les adhésions : 17 000 pour la CGT depuis le début de l’année en France ; 5 000 de plus que l’année précédente. Plus l’activité ralentit, plus les organisations syndicales doivent mettre les bouchées doubles. Logique.

[singlepic id=236 w=320 h=240 float=right]Secrétaire départemental de FO 62, Jean-Baptiste Konieczny évoque des journées à rallonge. Présent « du lundi au samedi de 7h à 19h30. Et le dimanche matin, pour répondre au courrier. » Idem à la CFDT. « Les 35 heures, si nous les revendiquons, elles ne s’appliquent pas à nous », sourit Philippe Perrault, secrétaire général de la CFDT dans la région. Les syndicats s’adaptent à la conjoncture. La CFDT a mis en place une cellule régionale (cinq à six personnes) pour suivre la crise et « avoir un regard pertinent ». Des commissions ont aussi vu le jour dans les filières textile, vente à distance, automobile… Démarche similaire au sein de la CGT 59, où on évoque même des secrétaires d’unions locales bossant sur leurs congés! Les syndicats seraient-ils débordés ? On répond plutôt que l’on gère les priorités. Nuance sémantique.

Réfléchir sans fléchir

Si la crise donne davantage de boulot, elle nourrit aussi une réflexion amorcée depuis quelques années. A des degrés divers, naturellement, selon les organisations, les sections, les responsables… « On se pose des questions », reconnaît José Berly, responsable de l’Union départementale CFTC du Pas-de-Calais. « On se demande si nous allons continuer à travailler à l’ancienne. » A l’ancienne ? « Attendre que les problèmes arrivent. Nous devons les anticiper. » Lorsque Continental a fermé à Clairoix (Oise), par exemple. A priori, rien à voir avec la région. Erreur. « Nous avons une entreprise similaire sur le secteur (Bridgestone à Béthune, ndlr). Nous devons donc regarder si cela ne peut pas nous arriver ici. » Réflexion partagée par les différents responsables sollicités. « On souhaite anticiper les mutations économiques (…). Nous ne voulons plus être les pompiers du social », renchérit Philippe Perrault. Intervenir avant que l’incendie ne se déclare pour ne plus se voir condamné à limiter simplement la casse. Philippe Perrault aspire ainsi à « une nouvelle gouvernance des entreprises à laquelle participerait les syndicats ». Moins dans le conflit, davantage dans la concertation.

Le temps des luttes et des grandes gueules serait-il révolu ? On n’en est pas encore là. Pas question d’abandonner le terrain -en témoigne ce 1er mai avec son cortège de défilés, de discours, de cahiers de revendications. Même si les moyens d’actions traditionnels paraissent parfois désuets en réponse à la crise. « Si on reste dans le défensif, on ne va pas aller très loin », reconnaît Catherine Meyza, membre de la direction à la CGT 59.

[singlepic id=237 w=320 h=240 float=left]Nouvelles armes

Les syndicats se dotent donc d’un nouvel arsenal. Là encore, l’évolution était déjà amorcée, elle s’en trouve dopée avec la conjoncture. Jean-Baptiste Konieczny (FO) dit ainsi recourir davantage aux services d’un cabinet d’expertises financières. « Auparavant, je les appelais quatre à cinq fois dans l’année. A présent, nous travaillons quasiment en permanence avec eux. » José Berly (CFTC 62) témoigne aussi de cette évolution : « Il y a un ou deux ans, notre boulot était de sortir les banderoles et les drapeaux. Aujourd’hui, c’est davantage un travail de technicité, nous devons gratter ». Quitte à plonger le nez dans les indigestes bilans d’entreprises. A grands renforts d’experts comptables, de cabinets et parfois d’avocats. « En face, nous avons des gens qui ne font que ça. Si nous voulons être armés, nous sommes bien obligés d’employer aussi des experts », plaide Catherine Meyza. « Les employeurs bombardent les salariés de chiffres », ajoute Jean-Baptiste Konieczny. Et derrière, les syndicats se mettent à décrypter. « Je prends l’exemple d’une entreprise qui annonçait un déficit. En examinant les comptes, nous nous sommes aperçus qu’elle était en fait bénéficiaire, mais réinvestissait ses bénéfices dans le groupe. »

Question de crédibilité

Il s’agit de répondre à la demande d’information des salariés, il s’agit aussi d’être crédible dans ses revendications. « Il faut être réaliste, lance José Berly. Bien sûr qu’on ne peut pas être d’accord avec des entreprises peu vertueuses qui distribuent des dividendes à leurs actionnaires et appliquent des plans sociaux. Mais il existe aussi des entreprises touchées de plein fouet par la crise et il faut essayer de faire des propositions, des contre-propositions qui tiennent la route. » Question de crédibilité. Et face à la conjoncture, on tente aussi de taire les dissensions. Selon les affinités, selon les unions départementales ou locales, naturellement. En témoignent les défilés unitaires du 29 janvier, du 19 mars ou de ce 1er mai.

La crise accélère ainsi les mutations. Jean-Baptiste Konieczny entrevoit un « changement radical » du syndicalisme. Avec toujours un travail de proximité et de mobilisation, mais désormais un gros travail souterrain. Moins visible, mais plus efficace, sans doute.


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