DailyUne | Réalités Par Nicolas Montard | 21 avril 2009
Retour sur l’Autoroute du Nord, ses milliers d’automobilistes et les gens qui y travaillent quotidiennement. Après notre reportage avec Patrice, le patrouilleur et notre immersion au péage de Fresnes-les-Montauban, troisième volet de ce grand format. Cette fois, nous avons pris une pause à Wancourt, la dernière aire de service de l’Autoroute A1 avant Lille. En nous intéressant à l’une des enseignes de restauration parmi les plus connues du monde autoroutier : AutoGrill.
[singlepic id=223 w=320 h=240 float=right]A peine 9h sur l’aire de Wancourt, un jeudi matin, et pas le temps pour les salariés d’AutoGrill de prendre un café. C’est en quelque sorte un petit coup de feu. Un bus garé sur le parking, une vingtaine de personnes installées aux tables de la cafétéria, une dizaine en train de faire la queue pour réclamer un petit-déjeuner en plusieurs langues, puis un homme qui déboule : « C’est la folie ce matin !« . C’est tous les jours comme ça ? « Pas tout le temps quand même ! »
On s’installe quelques minutes avec notre interlocuteur. Pascal Caron, le directeur d’établissement. Vingt-quatre ans qu’il travaille chez AutoGrill. Il a commencé en tant que cuisinier ! « J’étais venu pour deux-trois jours, résultat, je suis toujours là. » En gravissant les échelons. Jusqu’à obtenir cette place sur l’aire de Wancourt, qu’il occupe depuis quinze ans. Autour de nous, la « folie » matinale semble s’être atténuée quelque peu. « C’est la principale difficulté de notre métier, explique notre homme. Ici, il faut être capable d’accueillir un client comme trois cents si plusieurs bus arrivent d’un coup ! Je dois être en mesure de préparer trois cents croissants en vingt minutes ! » Et pour tout public, une mixité propre au monde de l’autoroute : VRP, routiers, autocaristes, étrangers, touristes, etc. D’autant qu’aucun ne mange la même chose : « les jeunes de 15 ans mangeront un sandwich. Les plus de 40 ans voudront se poser un peu et prendront un plat. »
Pascal Caron commence à nous faire visiter les lieux. « N’oubliez pas votre sac ! » Pas de danger ! Sauf que ça arrive souvent [singlepic id=225 w=320 h=240 float=left]ici les objets trouvés : ordinateurs portables, appareils photos, montres, bagues, mallettes remplies de petites coupures. Ou de grosses : « La dernière fois, c’est une dame de 82 ans qui avait oublié son portefeuille. Il y avait 600 euros dedans ! Son fils est venu le récupérer le soir. Il nous a laissé 50 euros de pourboire. » Ce tour du propriétaire, alors ? Il y a la salle de restaurants avec un nouvel aménagement de jeux pour les enfants (bien pratique quand les Hollandais rentrent d’Eurodisney le dimanche soir, surexcités et surmontés d’oreilles de Mickey, Wancourt étant le point kilométrique central entre Marne-La-Vallée et les Pays-Bas), le côté bar, ses sandwichs et petits-déjeuners. Puis la boutique souvenirs. Et ses innombrables tours Eiffel. Kitsch au possible (enfin, c’est question de goût…). « Notre meilleure vente ! » D’ailleurs, avant le passage à l’euro, cette boutique de souvenirs était une vraie poule aux œufs d’or : « Les étrangers remontaient. Ils se débarrassaient de leur petite monnaie ici. » Satanée Europe…
[singlepic id=222 w=320 h=240 float=right]On se dirige vers le self. Encore personne pour faire la queue, « même si on doit être prêt à chauffer un steak à n’importe quelle heure. » Là, une employée est en train de préparer les buffets. Tiens, une cagette de pommes de terres. Crues. « C’est de la déco. Mais souvent, on a des gens qui les prennent. A la caisse, on leur dit que c’est de la décoration, mais ils sont tellement surpris qu’ils partent quand même avec ! » On jette un coup d’œil aux boissons : peu d’alcool. Normal : « Il y a un arrêté spécial pour les autoroutes. Nous ne pouvons vendre de l’alcool qu’aux gens qui prennent un repas chaud. Et juste une quantité limitée. » Doit y avoir des grognons : « Oui, surtout chez les passagers d’autobus, mais c’est la règle ! » Un petit tour dans les cuisines. Propre et organisé entre les réfrigérateurs, les congélateurs, les fours, etc. Pas le choix, les services d’hygiène passent régulièrement. « On se doit d’être irréprochables. » Qualité avant tout. Et innovation aussi : les assiettes kebabs arrivent maintenant dans le self d’AutoGrill…
Il ne pouvait pas y échapper : la question des prix. En temps de crise, normal. » Oui, les prix sont plus élevés, on ne va pas s’en cacher. Mais c’est dû aux frais de fonctionnement : nous tournons 24h/24, il faut payer l’électricité, les salariés la nuit. Alors, oui, c’est plus cher. Mais je vais vous donner un exemple. Vous descendez d’avion à Roissy en pleine nuit. Vous remontez à Lille dans la foulée. Si vous voulez manger un steak frites, c’est possible ici à n’importe quelle heure. » Imparable. Et la crise, alors ? « 20% de moins sur les premiers mois de l’année. On la ressent. Tous les déplacements prévus par les entreprises sont annulés ou reportés. De plus, les gens font attention à ce qu’ils prennent à manger. S’il y a quinze ans, c’était repas complet, ce n’est plus le cas aujourd’hui. »
Le repas, justement, Gaëlle, l’une des salariés (ils sont une quarantaine), est dessus depuis 9h30. Elle n’arrête pas. Aller chercher les plats, les réchauffer, sortir la viande des emballages, [singlepic id=224 w=320 h=240 float=left]il faut que tout soit fin prêt pour le coup de feu du midi. D’ailleurs, quelques clients commencent à pointer le bout de leur nez, même s’il n’est pas encore 11h. Pas de chance, ils font demi-tour : ils ne feront pas partie des deux cents repas servis en moyenne chaque jour. » Ça fait trois ans que je suis embauchée. C’est une copine du village qui m’a parlé de cette place« , explique Gaëlle. Un métier pas évident, où il faut savoir aller vite et contenter le client parfois versatile : « Il y en a qui sont pressés, mais dans l’ensemble, ça va, les gens sont agréables ! »
Un peu plus loin, à la caisse de la boutique souvenirs, Catherine, 21 ans d’AutoGrill, se marre à la question des anecdotes: » Oui, j’en ai une qui m’est arrivée il n’y a pas longtemps : un client qui voulait un café repassé ! » Kesako ? » Il voulait juste que je réutilise le café de la machine qui avait servi pour un autre client. Et ne pas payer ! » Original, mais on a encore mieux : l’an dernier, les Parisiens qui s’arrêtaient et voulaient prendre les employés en photo. A condition qu’ils soient de vrais Ch’tis. Bon, là, plus le temps de plaisanter, il est 11h15 et ça se précipite au bar sans alcool. Savoir accueillir un client comme trois cents, nous avait prévenu Pascal Caron.
Retrouvez les autres reportages de ce grand format : – Patrice, l’ange gardien – Le manège du péage de Fresnes-lès-Montauban – Le cerveau de l’A1Ce contenu est © DailyNord. Si cet article vous intéresse, vous pouvez reprendre un extrait sur votre site (n’excédant pas la moitié de l’article) en citant bien évidemment la source. Si vous désirez publier l’intégralité de l’article, merci de nous contacter »
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