DailyUne | Réalités Par Nicolas Montard | 02 avril 2009
211 kilomètres, des milliers d’automobilistes qui l’empruntent chaque jour, l’A1, reliant Lille à Paris, est l’un des axes routiers les plus connus de l’Hexagone. Mais une autoroute, ce n’est pas que du bitume. Ce sont aussi des hommes et des femmes qui y travaillent quotidiennement : derrière des écrans de contrôle, dans des camions de patrouille, aux péages ou sur les aires de repos. En ce mois d’avril, DailyNord a décidé de lever le pied pour un voyage au pays de l’Autoroute du Nord. Premier invité de ce grand format : Patrice, patrouilleur.
[singlepic id=195 w=320 h=240 float=left] 5h ce lundi matin. Au centre d’entretien d’Arras, en bordure de l’autoroute A1, Patrice s’apprête à prendre la relève. Frédéric vient de finir son service et lui fait un résumé de la nuit passée : « Encore un accident cette nuit. En ce moment, on cumule. Enfin, ce sont des périodes comme ça. D’autres fois, il ne se passera pas grand-chose pendant plusieurs services. » A côté, c’est Franck qui se prépare à monter dans son véhicule. Lui est affecté au nettoyage des sanitaires sur les aires de repos. Depuis qu’il a été amputé d’une partie de la jambe. Fauché sur l’autoroute alors qu’il balisait une zone (posait des plots de sécurité). Dans son malheur, Franck a eu de la chance. Il en a réchappé. Ce n’est pas le cas d’autres. Et à chaque fois, ceux qui restent ont du mal à oublier…
C’est parti. Patrice nous emmène près de son camion. Première mission : vérifier l’état du véhicule. Les pneus, les phares, les panneaux lumineux de signalisation. Il faut dire que les engins sont soumis à rude épreuve : « Ils roulent 24h/24, confirme le patrouilleur. A peu près 1 000 kilomètres par jour. » Alors, tous les trois ans, une fois que le véhicule atteint le million, on le change. En attendant, tout est ok. On démarre. Notre chauffeur est un bavard. C’est tant mieux. Il nous explique le fonctionnement :[singlepic id=196 w=320 h=240 float=right] « A Arras, nous sommes cinq patrouilleurs titulaires et trois remplaçants (ils sont quarante-cinq en tout sur le réseau Nord*). On couvre une partie de l’A1, de Dourges à Maurepas. Puis un peu d’A 26 et d’A 2. Le parcours change selon les services du matin, de jour et de nuit. Ce que je préfère ? La nuit. Les gens sont moins stressés et très gentils quand ils ont besoin de nous ! »
On roule à 80-90 km/h. Pas question d’aller plus vite. De toute façon, il y a huit heures à passer sur la route et un tas de choses à surveiller : « Les différents objets qui traînent, d’abord. L’état de la chaussée aussi, quand la température est autour de zero degré. Mais aussi les portes de service qui accèdent à l’autoroute. Il faut vérifier si elles sont bien fermées. Que personne ne puisse passer. On est responsable en cas de problème. » On arrive près du péage. Une camionnette est stationnée sur un accès interdit. Patrice descend. Va voir prudemment ce qu’il se passe (« la nuit, on fait plus attention, d’ailleurs le Poste Central d’Exploitation sait toujours où nous sommes« ). Les conducteurs sont perdus. Ils veulent aller à Epernay, près de Reims. Sauf que leur GPS leur indique la Savoie. Mal barrés. Il les renseigne en leur demandant de repartir aussitôt.
Quelques kilomètres plus loin, la radio sonne. Un véhicule arrêté sur une bande d’arrêt d’urgence. Patrice accélère. Dans la nuit noire, on aperçoit les bandes réfléchissantes du gilet du conducteur, posté derrière la glissière de sécurité. La 308, à peine 30 000 kms, s’est arrêtée d’un coup. Son chauffeur l’a immédiatement rangée sur le bas-côté et a appelé le dépannage via une des bornes d’urgence. « Je vais quand même vérifier si quelqu’un arrive« , prévient Patrice avant de se saisir de son téléphone et de sécuriser la zone avec quelques plots.
[singlepic id=197 w=320 h=240 float=left]Une deuxième panne plus tard, le soleil se lève sur l’autoroute. Patrice nous raconte quelques anecdotes. Qui font froid dans le dos, tellement certains conducteurs paraissent inconscients. « On a des gens qui s’arrêtent pour téléphoner sur la bande d’arrêt d’urgence par exemple. D’autres juste pour satisfaire un besoin naturel. Le pire, c’est qu’ils ne s’arrêtent même pas dans les refuges, situés tous les deux kilomètres. Ils ne comprennent pas que rester sur la bande d’arrêt d’urgence est extrêmement dangereux. » Surtout quand on voit la photo prise sur son portable dernier cri : un camion de patrouille pulvérisé par un poids-lourd. « Le patrouilleur était à l’extérieur. Le camion est rentré dans notre véhicule. S’il était dedans, il y restait. » Et lui, a-t-il peur ? « Je suis toujours sur mes gardes et je fais extrêmement attention. C’est vrai qu’à chaque fois qu’il y a un collègue fauché ou accidenté, on réfléchit… » Heureusement, ce n’est pas tous les jours. Même si c’est souvent trop : depuis janvier 2008, le réseau nord de la SANEF a déjà déploré trois accidents « sous circulation« , dont un mortel.
Il est un peu plus de 7h. C’est calme en ce moment. Patrice continue de nous raconter ce métier qu’il pratique depuis 16 ans, après un licenciement économique dans une usine de Bapaume. Ceux qui n’hésitent pas à marcher sur l’autoroute espérant se rendre à Lille… Cet homme qui s’est arrêté sur la bande d’arrêt d’urgence et s’est couché par terre, tordu de douleur. Cet automobiliste en panne qui a traversé six voies d’autoroutes avec ses béquilles et son jerricane parce qu’il était en panne d’essence. « 80% des pannes d’ailleurs. Les gens essayent de sortir de l’autoroute au lieu de mettre 10 euros dans une station. Ça leur éviterait les frais de dépannage de 120 à 150 euros… » Après, il y a aussi ceux qui heurtent les glissières de sécurité et qui repartent en espérant que personne ne les a vus… Sauf qu’ils y ont laissé leur pare-choc et leur plaque d’immatriculation. D’autres prennent l’autoroute en contresens, soit par ivresse, soit par inattention : « au moins une fois par mois ! » Et quand ce ne sont pas les défaillances humaines qui peuplent le quotidien des patrouilleurs, les animaux s’y mettent : chiens errants bien sûr, chevreuils, mais aussi parfois chouette, vache ou cygne !
[singlepic id=198 w=320 h=240 float=right]Nouvel appel. Un objet sur la chaussée. On a besoin de Patrice. Le voilà qui s’engage sur l’une des bretelles d’accès réservée aux agents de la SANEF et aux secours. On arrive rapidement sur les lieux. Les gendarmes ont déjà paralysé la voie de gauche. « Bon, vous ne me verrez pas traverser« , sourit le patrouilleur. A l’extérieur, le bruit des véhicules est assourdissant. Il ramasse le fameux objet, deux panneaux en simili-cuir, qui font bien deux mètres sur un : « Je ne sais pas ce que c’est. Un morceau de canapé ? » Il embarque également les bouts de cartons qui traînent. Au péage, un peu plus loin, le chauffeur du camion qui a perdu une partie de son chargement s’est arrêté : il s’agissait en fait d’une couverture de spa. En remontant dans son véhicule, Patrice se marre : « On trouve de tout sur l’autoroute : planches à voile, skis, fauteuils, sommiers… Je me souviens, une fois, il y a un conducteur, il avait été à Ikea. Evidemment, il n’avait pas sanglé ses achats. Il en a perdu une partie… Après il m’a demandé s’il pouvait récupérer un tabouret de bar. Il n’aurait pas pu en faire grand chose, tout était pulvérisé ! »
Il est un peu plus de 8h. Patrice nous ramène au centre d’entretien d’Arras. Lui a encore cinq heures de tournée. Le père de famille de 46 ans garde le sourire : « J’aime mon métier, notamment le contact avec les gens. On est là pour les aider, les assister et pour que tout se passe bien. D’ailleurs, à un moment, on nous surnommait les anges gardiens de l’autoroute. C’était sympa. » Et pas volé.
(*) Le réseau Nord de la Sanef comprend l’A1, l’A2, l’A16, l’A29 et l’A26. Retrouvez les autres reportages de ce grand format : – Le manège du péage de Fresnes-lès-Montauban – Au coeur de l’AutoGrill, sur l’aire de WancourtCe contenu est © DailyNord. Si cet article vous intéresse, vous pouvez reprendre un extrait sur votre site (n’excédant pas la moitié de l’article) en citant bien évidemment la source. Si vous désirez publier l’intégralité de l’article, merci de nous contacter »
Whaaaaa quel bel article pour un si beau ange gardien !! C’est très courageux de faire ce métier si dangereux !! Et félicitations au journaliste pour l’article et les photos !!!
Superbe article pour quelqu’un de très sympathique, et surtout pour quelqu’un de très branché ‘technologie dernier cri’ lol !!