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Patrons sans parachutes

DailyUne | Réflexions Par | 31 mars 2009


Parachutes dorés, bonus et stock-options alors que les licenciements se multiplient,  on aurait presque l’impression que nos patrons sont tous des voyous sans foi ni loi. Un schéma réducteur qui irrite nombre de gérants de petites et moyennes entreprises de la région. Stéphane Nau est de ceux-là. A la tête de Nauconsultants, société lambersartoise, depuis dix ans, il a dû se séparer de son dernier salarié il y a peu. Pas pour s’en mettre plein les poches : juste pour tenter de sauver son entreprise.

[singlepic id=189 w=320 h=240 float=right]Sûr qu’il aurait aimé fêter les dix ans de sa boîte de façon un peu plus joyeuse. Mais voilà, l’année 2008 a été difficile. 2009 ne commence pas mieux : « En janvier, j’ai été obligé de me séparer de mon dernier salarié, résume Stéphane Nau. Licenciement économique. » Histoire d’essayer de sauvegarder ce qui peut encore l’être : sa société de conseil en communication, Nauconsultants.  » L’entreprise est en redressement judiciaire. Mais je pense qu’on peut rebondir. »

Stéphane Nau. Patron âgé de 44 ans. L’ancien salarié des agences de com’ parisiennes et lilloises s’est décidé à franchir le pas en 1998.  Pour deux raisons : « Je voulais d’abord vivre de l’effort que je fournis. Ensuite, proposer une autre façon de voir mon métier, la communication, plus éthiquement et avec plus de valeur ajoutée. » Pari réussi, Nauconsultants trouve son public à travers un marché régional et quelques clients parisiens. Sans jamais avoir les yeux plus gros que le ventre : « Je voulais que l’on reste une petite société. Au maximum, il y a eu cinq salariés. » Avec les avantages et inconvénients que cela suppose : « Nous fonctionnons avec peu de clients, n’avons pas un chiffre d’affaires très important, mais une forte rentabilité. En revanche, il est plus difficile pour une petite structure de s’adapter aux fluctuations du marché. »

SALAIRE DES PATRONS : QUELQUES CHIFFRES LOIN DU MYTHE

Il y a quelques semaines, la Confédération générale des petites et moyennes entreprises (CGPME) a communiqué sur le sujet des rémunérations patronales : d’après une étude, le salaire moyen d’un dirigeant d’une entreprise de moins de 500 salariés serait fixé à 52 700 euros soit 4 400 euros mensuels. Avec de grandes disparités : un dirigeant qui a plus de 250 salariés sous ses ordres est plus proche des 189 000 euros annuels (15 750 euros par mois), tandis que son homologue à la tête de moins de dix salariés se contente de 36 200 euros par an (3 000 euros par mois). L’étude ne prend en compte que les salaires : alors qu’ils ont mis des fonds propres dans leur entreprise, les mandataires sociaux (gérants non salariés comme Stéphane Nau) sont parfois en dessous cette moyenne…

« On est responsable des gens que l’on recrute »

Des fluctuations qui conduisent parfois à prendre des décisions difficiles : licencier ou au mieux ne pas remplacer. Pas le choix, pour survivre il faut rester flexible. Ce qui n’empêche pas le côté humain derrière celui du gestionnaire : « On est responsable des gens que l’on recrute, continue Stéphane Nau. On n’a pas le droit de faire n’importe quoi. Simplement, il faut aussi relancer l’entreprise. » Au point de faire quelques nuits blanches. Pas forcément à travailler. Plutôt à cogiter. A discuter avec sa propre conscience : « Le volet social est très difficile à vivre. Qu’est-ce qui est le plus important ? La vie de l’entreprise ? Celle du salarié ? Quel droit ai-je d’empêcher un salarié de travailler ? Humainement, est-ce que je peux licencier cette personne ? Puis, derrière, on pense à l’intérêt de l’entreprise… C’est une horreur. » Pour preuve, le consultant en communication aura mis trois mois avant de se décider à licencier son dernier salarié.

Parfois moins payé que ses salariés

Forcément, l’image véhiculée sur les patrons actuellement le fait bondir. Plutôt l’amalgame qui est fait. Car, si Stéphane Nau estime qu’il est normal qu’un gérant d’entreprise et responsable de salariés doit être rémunéré plus (« le patron a un talent que n’ont pas forcément ses salariés. S’il a créé sa boîte, il a en plus pris des risques« ), il ne roule pas sur l’or. « Je gagne 3 000 à 3 500 euros par mois quand ça va bien. Quand l’entreprise va mal, je me paie moins. Il y a des mois où je gagnais moins que mes salariés. Pour au moins 60 heures par semaine. » Un bref calcul avec le SMIC à 35h, ça casse le mythe. Tout comme la galère qui peut suivre en cas d’échec : « Si on se plante, on perd tout : l’entreprise, le patrimoine personnel engagé. » Quant aux indemnités chômage, elles ne sont pas prévues pour les dirigeants d’entreprises non salariés qui se retrouvent sur le carreau… « Quand ça va, on vous prend beaucoup d’argent. Quand ça va pas, vous n’avez rien. Le système marche à l’envers. » Sans lui faire perdre espoir : « Finalement, la conjoncture actuelle permettra peut-être à notre économie de repartir sur de nouvelles bases. On peut encore faire de très belles choses. » Sans parachute doré.


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