On les appelle les micro-communes. Deux cents, cent, cinquante habitants et parfois moins encore. L’Avesnois, l’Artois ou le Ternois en regorgent. Et tandis que les villes bouclent souvent avec peine leur budget (dernière échéance le 31 mars), on s’est demandé comment ces petits villages vivaient la crise. Mine de rien, être tout petit présente parfois de sacrés avantages.
Imaginez une commune où tout le monde se salue. Où le maire connaît chacun de ses administrés. Où ce même édile remonte ses manches pour des besognes de cantonnier. Ça existe. Et on en compte même un paquet parmi les 1 500 villes et villages de la région. Guinecourt (Saint-Pol-sur-Ternoise), Canteleux (Frévent), Haravesnes (Arras), Riencourt-les-Bapaume, Moustier-en-Fagne (Avesnes-sur-Helpe) ou Dehéries (Cambrai)… Liste non exhaustive. Point commun ? Aucune ne dépasse les cent habitants.
Micro-commune, mais collectivité tout de même. Avec sa mairie, son Conseil municipal, son budget, sa paperasse. Son Conseil, justement. Le Code électoral est intransigeant : pas moins de neuf élus, peu importe le nombre d’habitants. Ailleurs, on se dispute les sièges, ici on a parfois du mal à dégotter neuf volontaires. Pour la paperasse aussi, c’est quelque chose. Car les préfectures envoie indifféremment les mêmes papiers à toutes les communes. Dieu merci, en matière budgétaire, le Législateur a tout de même pensé à ces modestes collectivités. Dispensées de DOB (débat d’orientation budgétaire), elles votent néanmoins un budget primitif. Moins technique, forcément. Moins volumineux et plus digeste aussi. Un moment fort de la vie locale comme partout ailleurs car un modeste recensement ne garantit pas toujours l’absence d’une opposition communale. Imaginez, Léon Vischery, maire de Guinecourt (20 habitants), a même été mis en ballotage aux dernières Municipales ! Lui-même n’en revient pas.
Les micro-communes connaissent-elles la crise? A Guinecourt, Léon Vischery rigole. Voilà bien une idée de journaliste. Budget 2009 : « Sept à huit millions de francs ». Des francs anciens, on précise. Pas de dette, ni d’emprunt. « Depuis quarante ans que je suis au Conseil municipal, je n’ai jamais vu d’emprunt ! » Autre micro-commune même réaction. A Grincourt-les-Pas (« 43 habitants, 270 hectares et 150 vaches laitières sans compter les génisses »), Jean Roussel, l’édile, en plaisante même : « La crise ? Je ne sais pas bien ce que cela veut dire ». La preuve, il « se prépare même à investir ». Et quel investissement ! La commune va achever la pose de bordures dans ses quatre rues. Un chantier colossal à l’échelle de ce village artésien.
Entre dotations en baisse, dette en hausse et nécessité de venir en aide aux plus démunis sans trop alourdir la fiscalité locale, les collectivités peinent parfois à boucler leur budget. Casse-tête ailleurs, formalité ici. Aucun souci pour les édiles interrogés. Enfin, pas plus que les autres années. « Petites recettes, petites dépenses », note Léon Vischery. Dans sa commune, aucune dépense exceptionnelle inscrite cette année. A la différence de 2008, où il avait fallu acheter un cadre pour la photo du Président et changer la rampe de la mairie.
Qui dit modeste commune, dit souvent gestion prudente. « On travaille à vue et on attend d’avoir les subventions et d’en connaître les montants avant de lancer un chantier », témoigne Jean-Michel Hancart, premier magistrat de Moustier-en-Fagne (72 âmes, et même un site internet). [singlepic id=188 w=320 h=240 float=right]« Il faut demeurer lucide et ne pas voir trop grand. » Guère d’autre choix, le budget 2009 pour ce village de l’Avesnois flirte avec les 50 000 euros. A ce prix, les ambitions demeurent modestes. « On gère un peu la commune comme un budget familial. » Et comme dans les vieilles familles, on s’évertue à économiser plutôt qu’à emprunter à tout va ou à miser sur d’hypothétiques subventions. Exemple, Grincourt-les-Pas a prévu pour 2009, un budget de 113 000 euros en fonctionnement et 150 000 en investissement. Enorme pour 43 habitants. « Mais nous avons beaucoup économisé », ajoute aussitôt le maire. Quelque 50 000 euros, un tiers de l’investissement, étaient placés de côté.
Mais si cette gestion prudente évite des insomnies aux maires au moment de présenter le budget primitif, même là, on sent une petite inquiétude. Peur de voir les dotations de l’Etat baisser davantage, peur de voir s’envoler la taxe professionnelle dont ils disposent parfois. Raison de plus pour jouer la prudence, selon Jean-Michel Hancart. Puis, il y a aussi les chantiers qui dépendent d’autres collectivités. A Guinecourt, le maire aimerait bien voir la départementale refaite par exemple. Idem dans l’Avesnois où Jean-Michel Hancart souhaite voir le chantier de la nationale 2 avancer pour désenclaver sa commune. De son côté, Jean Roussel déplore la disparition des emplois aidés. « Sans contrat aidé, nous ne pouvons plus employer quelqu’un pour entretenir les espaces verts. »
Ailleurs, il reste toujours le levier de la fiscalité locale pour combler un fléchissement des recettes. Suffit d’éplucher la presse de ces derniers jours, pour s’en convaincre : les taux augmentent de 2 à 3% en moyenne (Lire l’article du Figaro: « La crise fait flamber les impôts locaux »). Dans ces micro-communes, ce levier demeure désuet. Jean Roussel estime à 12 000 euros, ses recettes fiscales. Moralité : « Même si j’augmentais, on ne gagnerait pas grand-chose ». Du coup, on préfère souvent ne pas toucher aux impôts locaux. Décidément, ces petites communes rurales ont bien du charme.
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